L'onde de choc des confidences fleuve de François Hollande à des journalistes du Monde ébranle la majorité qui s'interroge désormais ouvertement sur ses conséquences potentiellement dévastatrices et la "volonté" même du président à se représenter.
Le chef de l'Etat, garant constitutionnel de l'indépendance de la justice, a lui-même adressé vendredi un courrier d'excuses au Conseil supérieur de la magistrature et aux principaux magistrats de France ulcérés par ses déclarations sur la «lâcheté» de l'institution judiciaire. «Je regrette profondément» ces propos, «sans réalité avec ma pensée», écrit-il.
Le président @fhollande tient à assurer la magistrature de la confiance qu'il lui porte pic.twitter.com/tSdXFxIhll
— Élysée (@Elysee) 14 octobre 2016
Depuis le Canada où il est en déplacement, Manuel Valls a concédé «mesurer les conséquences» des propos présidentiels sur les magistrats. «Tous ces débats, toutes ces discussions (...) ne sont pas bons pour la vie politique et la vie démocratique», a observé le Premier ministre.
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Et même s'il a regretté «l'ampleur qu'ils prennent», Manuel Valls que l'on dit prêt à se présenter si François Hollande renonçait à briguer un second mandat a poursuivi, sibyllin: «Je sais ce que je peux représenter pour le pays».
Le bloc majoritaire se fissure. Quatrième personnage de l'Etat, le président (PS) de l'Assemblée nationale Claude Bartolone s'est interrogé sans détour sur la "volonté" de François Hollande de se représenter, percevant «une hésitation» dans ses confidences à Gérard Davet et Fabrice Lhomme.
Quelques lignes de «Un président ne devrait jamais dire ça...» (Stock) en disent effectivement long sur les tourments du président. «C'est vrai que ça peut être humiliant de perdre quand on est sortant» mais «c'est aussi humiliant de se dire +Je ne peux pas y aller+ (...) +Je n'ai pas réussi, je n'y vais pas+», a-t-il confié à ses auteurs.
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Pour Claude Bartolone, «un président doit entretenir le feu sacré de la République. Un président ne doit pas autant se confesser. Le devoir de silence fait partie de sa fonction». Le président de l'Assemblée nationale a ainsi «fait part de (sa) stupéfaction» au chef de l'Etat. «Il y a un grand besoin d'explication pour comprendre s'il veut vraiment être candidat», a-t-il souligné.
Premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis «pense» encore que le chef de l'Etat a la «volonté» de se représenter mais, constate-t-il crûment, «il ne se facilite pas la tâche», il «est en difficulté».
«L'alerte est très sérieuse»
Quant au secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, en première ligne pour mesurer le désarroi des élus de la majorité, il l'a concédé : François Hollande devrait «s'adresser peut-être plus directement aux Français». «Les journalistes ne sont pas forcément toujours l'intermédiaire idéal», a-t-il observé, critique à peine voilée à l'encontre du chef de l'Etat qui a accordé une centaine d'heures d'entretiens aux journaliste d'investigation du Monde.
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Devant toutes ces pressions amicales, l'Elysée tente de maintenir le cap. Le président pourrait-il s'adresser aux Français? «Ce n'est pas prévu, il travaille sur l'organisation d'une réception sur la Syrie prévue aujourd'hui (vendredi) et se concentre sur l'hommage qu'il veut rendre samedi aux victimes de l'attentat de Nice», répond laconiquement un conseiller.
Dans ce contexte troublé, une recomposition politique est-elle possible? Certains en caressent le rêve tel ce proche d'Emmanuel Macron qui assure que l'ancien ministre entretient les meilleures relations avec un poids lourd du gouvernement, fidèle parmi les fidèles de François Hollande, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
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Dès mercredi, Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à l'Enseignement supérieur, avait noté que son ami Arnaud Montebourg était désormais en mesure de «battre» François Hollande lors de la primaire de la gauche des 22 et 29 janvier. Compte tenu de «l'éclatement de la vie politique française (...) tout est possible», avait-il estimé. Quoi qu'il en soit, «l'alerte est très sérieuse» pour François Hollande, constate Jérôme Fourquet (Ifop).
«Postés au points névralgiques, Valls, Bartolone ou Cambadélis mettent la pression sur le chef de l'Etat et c'est d'autant plus grave pour lui qu'ils ne sont pas de la même écurie mais ont en commun d'être des poids lourds de la majorité», souligne le politologue.