L'Assemblée nationale a adopté massivement, tôt mercredi matin, le projet de loi prolongeant l'état d'urgence post-attentats, finalement pour six mois, après un débat marathon d'environ sept heures et demi et dans une atmosphère souvent tendue.
A 4h53, dans un hémicycle inhabituellement garni à cette heure, les députés ont voté le texte par 489 voix contre 26, et 4 abstentions, après quelques retouches. Le projet de loi va passer dès ce mercredi en commission puis en séance au Sénat, où la majorité de droite entend le durcir. Une centaine d'amendements ont été examinés en séance à l'Assemblée, où seule une poignée a été adoptée.
Initialement prévue pour trois mois dans le projet gouvernemental découlant des annonces de François Hollande après l'attaque au camion de Nice le 14 juillet (84 morts), cette quatrième prolongation depuis les attentats du 13 novembre a été portée à six mois. Une option souhaitée par une partie de la droite et à laquelle le chef de l'Etat s'était dit ouvert.
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En dehors de la durée supplémentaire pour ce régime d'exception, gouvernement et majorité n'ont accédé qu'à quelques demandes de l'opposition, à ce stade. Ainsi, l'Assemblée a voté la possibilité de fouille des bagages et des véhicules, sans instruction du procureur, sous le régime de l'état d'urgence. Les députés ont aussi supprimé, en matière de terrorisme, toute automaticité de réduction de peines, ce qui était une proposition de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015. En outre, ils ont renforcé le contrôle parlementaire de la mise en oeuvre de l'état d'urgence, en prévoyant une remontée en temps réel des actes pris sous ce régime.
Les élus UDI ont aussi fait voter la création d'une commission non permanente de contrôle de l'état d'urgence, composée de sept députés et sept sénateurs.
"Dérive populiste"
S'il s'est globalement "félicité" de la tenue du débat, le chef de file des députés socialistes Bruno Le Roux a déploré une "formule choquante" de Laurent Wauquiez (LR). Là où "vous invoquez les libertés personnelles des terroristes, nous disons: il n'y a pas de liberté pour les ennemis de la République", avait déclaré le numéro deux du parti LR, sous des huées à gauche. Bruno Le Roux a également trouvé "choquant" que certains à droite puissent "laisser à penser que nous pouvons trouver de la force pour la République en reniant nos engagements sur nos textes fondamentaux, règles de droit et la Déclaration des droits de l'homme". Et ce proche de François Hollande d'estimer que "la dérive populiste emportera tous ceux qui y cèderont".
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Au nom du groupe LR, Guillaume Larrivé a affiché une "obsession de responsabilité et d'efficacité", expliquant que la réponse à l'attentat de la promenade des Anglais "ne peut évidemment pas être la levée de l'état d'urgence" mais jugeant que "les règles juridiques ne doivent pas être l'alibi pour l'inaction". Outre des "procès d'intention", il a reproché à la majorité de gauche de s'enfermer "dans un confort routinier alors que nous avons proposé des avancées" pour durcir la législation anti-terroriste. Pour l'UDI, la prolongation de l'état d'urgence, "au bénéfice du doute", est surtout "un symbole" et il faudra "bien plus pour gagner cette guerre", a résumé François Rochebloine.