Alors que la loi travail démarre son parcours parlementaire, et que la contestation perdure, le gouvernement veut mener son projet à bien.
La semaine est cruciale pour la ministre du Travail. Mardi en commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale, et jeudi confrontée à une mobilisation de la rue, Myriam El Khomri devra à nouveau défendre son projet controversé.
Car, même après modification, la nouvelle version de la réforme est critiquée par une partie des syndicats et des organisations de la jeunesse. Pour calmer la grogne, elle entend miser sur le dialogue, tout en accélérant le calendrier.
Selon un récent sondage, les Français sont toujours sceptiques. Comment les convaincre ?
Sur une réforme de cette ampleur, il y a rarement unanimité. Cette loi a besoin de pédagogie. C’est une réforme juste, car elle crée des droits adaptés au monde du travail d’aujourd’hui, avec par exemple le droit universel à la formation et le droit à la déconnexion. Elle est nécessaire, aussi, car il faut renforcer la compétitivité de notre économie. Quand on voit le potentiel de notre pays, je crois qu’il est plus que jamais indispensable que l’on arrive à développer cette culture du compromis. Mettre davantage de démocratie dans l’entreprise, au plus près du terrain, c’est un gage d’efficacité économique et de justice sociale. Qui peut en douter ? Les sondages ne peuvent pas être la seule boussole de l’action gouvernementale.
La jeunesse est très mobilisée. Votre loi est-elle anti-jeunes ?
J’entends l’exaspération, j’y suis attentive. Mais ma loi ne précarisera pas la jeunesse. Elle vise au contraire à encourager l’embauche en CDI. Et l’hyper-précarité, née de l’accumulation de CDD de plus en plus courts, c’est en partie la jeunesse qui la subit. Avec ma loi, tous les jeunes sans emploi, sans formation et dans une situation de précarité pourront demander, dès janvier 2017, de rentrer dans le dispositif de la garantie jeunes, qui leur donnera l’allocation de 461 euros tous les mois, et un accompagnement très intensif dans la formation ou dans l’emploi.
Les patrons ont également fait part de leurs inquiétudes…
Une partie de la droite et du patronat trouve que la réforme ne va pas assez loin. Certains syndicats pensent le contraire. Si l’on n’avait pas trouvé un compromis, nous aurions été condamnés au recul et il n’y aurait eu aucune réforme dans notre pays. Je pense que l’on a atteint le bon point d’équilibre : cette loi donne des souplesses et un appui important en particulier aux PME. Mais cela n’est pas pour autant un chèque en blanc aux entreprises : ces souplesses n’existeront que si elles ont été négociées avec les représentants des salariés.
Dans d’autres pays, réformer se fait plus en douceur. Vous attendiez-vous à un tel affrontement ?
Etre ministre du Travail la dernière année du quinquennat, alors même que la lutte contre le chômage est la priorité absolue, je savais que cela allait être difficile. Je rencontre beaucoup mes homologues européens et j’en tire une conviction forte : il faut absolument que notre pays se réforme. L’enjeu n’est pas d’idéaliser le passé, mais d’être en capacité, avec les Français, de construire l’avenir.
Vous avez le poste le plus exposé du gouvernement. Comment le gérez-vous ?
C’est clair que ma notoriété a bondi, ma popularité beaucoup moins. Il y a parfois beaucoup de postures dans le débat qui nous anime. Je ne veux pas que ma loi soit l’otage du débat post-déchéance, des primaires à gauche, des primaires à droite. Je suis convaincue que mon pays a plein de talent et de potentiel. Et qu’il doit bouger. Je suis donc déterminée à porter ce mouvement, au service de l’intérêt général.
Une bataille législative se prépare. La redoutez-vous ?
Je n’ai jamais de craintes face au débat démocratique. Je prends le débat parlementaire comme l’occasion d’un nouvel enrichissement du texte et non comme un risque de détricotage. Je suis ferme dans mes convictions mais très à l’écoute. J’assume qu’il y ait des divergences de point de vue, y compris dans ma famille politique. Mais il ne faut pas non plus dénaturer la philosophie de cette loi car c’est une réforme d’ampleur. Je pense que la France est mûre pour la porter.
Croyez-vous enfin à une inversion de la courbe du chômage ?
Nous nous battons au quotidien pour cela. Nous avons depuis neuf mois des variations mensuelles très fortes, à la hausse et à la baisse, signe d’une reprise timide mais réelle de l’activité économique. Nous avons créé 100.000 emplois en 2015 et le chômage des jeunes, enfin, a reculé. Et l’aide « embauche PME », lancée il y a deux mois, a déjà enregistré plus de 100.000 demandes. La loi travail constitue une réforme structurelle : elle aura donc des effets à moyen et long terme. Car l’objectif de cette réforme, c’est de développer l’emploi durable, et notamment en CDI.
Que répondez-vous à François Rebsamen, votre prédécesseur, qui a affirmé mardi qu’il ne faut « pas en attendre un miracle » ?
La politique n’est pas une affaire de religion, mais d’action. Moi non plus, je n’attends pas de miracles, mais j’agis ici et maintenant pour que mon pays renoue avec un progrès économique et social partagé.