Alors qu'une partie du pays se mobilise contre le projet de loi Travail, l'exécutif se trouve confronté à la gauche de sa gauche, selon le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet.
François Hollande peut-il ignorer le mouvement de contestation ?
C’est un peu le cauchemar du gouvernement qui est en train de se réaliser, à savoir que depuis le début du quinquennat il y a une peur très grande que la gauche de la gauche finisse par mobiliser dans la rue. Si ce mouvement se produit aujourd’hui, c’est le scénario du pire pour François Hollande, à un peu plus d’un an de la présidentielle. Très concrètement, cela signifie que sa capacité de rassembler dans son camp va être entamée et qu’il risque de se retrouver avec un candidat très sérieux contre lui à la gauche du PS. Or, dans cette configuration, il n’a aucune chance de passer le premier tour. Le bras de fer qui est en train de se jouer entre le gouvernement et une partie de sa majorité aurait dû être réglé au moment du remaniement.
Cette mobilisation peut-elle avoir autant de répercussions que celle du CPE, qui avait été retiré par le gouvernement De Villepin en 2006 sous la pression de la rue ?
La complication de cette protestation, c’est qu’elle vient de la gauche, qui est dans un état de faiblesse historique. Or, l’opinion publique est plutôt portée vers la droite voire très à droite. Il n’est donc pas certain que les Français se mobilisent dans la rue sur ce projet de loi. Même si tout est possible. Maintenant, il y a un rejet de toute forme de proposition émise par François Hollande. Il est donc possible que se cristallise un mouvement de rejet contre lui, comme ce fut le cas à l’encontre de Nicolas Sarkozy. Sur cette base, il pourrait y avoir soit de grandes manifestations, soit plusieurs mobilisations successives de tous les corps sociaux.
Une marche arrière du gouvernement est-elle envisageable ?
La question principale est de savoir qui dirige l’exécutif. Si c’est François Hollande, il n’a clairement pas intérêt à poursuivre la réforme, car ses chances de réélection s’amenuisent de jour en jour. En revanche, Manuel Valls a, lui, tout intérêt à aller au bout. Il se placerait ainsi dans la posture du réformateur droit dans ses bottes. Dans ce cas, il risque d’aller à l’affrontement avec la rue parce qu’il a tout à y gagner politiquement. S’il s’en sort vainqueur, il aura une stature d’homme d’Etat.