Le Sénat a rejeté jeudi une proposition de loi écologiste destinée à autoriser l'usage et la vente "contrôlés" de cannabis, la première de ce type présentée en France.
Les sénateurs ont voté contre les trois articles composant la proposition de loi, qui n'avait dès lors plus lieu d'être.
"Il semble que notre Haute Assemblée ne soit pas encore prête à accepter la légalisation du cannabis mais le débat est lancé", a déclaré l'auteure de la proposition, Esther Benbassa. "Je suis certaine que dans quelques années, nous suivrons l'exemple des pays qui l'ont légalisé", a-t-elle ajouté.
Son texte proposait que la vente de cannabis, à des fins non thérapeutiques, soit contrôlée par l'État, en passant par l'intermédiaire de débitants comme c'est le cas pour le tabac, et en interdisant la publicité et la vente aux mineurs.
Il portait sur la vente au détail et l'usage de plantes de cannabis ou de produits du cannabis dont les caractéristiques auraient été définies par décret en Conseil d'État et dont la teneur en tétrahydrocannabinol n'aurait pas excédé un taux fixé par arrêté du ministre de la santé.
Fruit d'un long cheminement
Le débat de ce texte qui n'a pas été adopté en commission avait commencé le 4 février, mais faute de temps, il avait été interrompu.
"L'initiative qui nous vaut d'ouvrir un débat effectivement crucial (...) n'est pas sortie de la tête embrumée - ou enfumée - d'une écologiste présumée amatrice de joints comme le voudraient certains clichés", avait alors déclaré Mme Benbassa. "Elle est le fruit d'un long cheminement".
"C'est précisément, entre autres motifs, la conviction que le cannabis n'est assurément pas un produit anodin, la conscience claire du fait qu'il contient des substances psychotropes potentiellement dangereuses pour la santé, notamment celle des plus jeunes, dont le cerveau est encore en formation, qui m'ont décidée à m'atteler à la rédaction de ce texte", avait-elle poursuivi.
Le rapporteur Jean Desessard (écologiste) avait estimé de son côté que le texte "constitue une réponse équilibrée, au-delà de l'alternative stérile entre simple dépénalisation et prohibition à tout prix". Il permet "une légalisation contrôlée par l'État, dont l'une des raisons principales est de lutter contre les mafias et les trafics et donc contre l'insécurité qui en découle".
"Les solutions proposées sont possiblement contre-productives", leur avait répondu la secrétaire d'État chargée des Droits des femmes Pascale Boistard.
Contrebande
"Ne prenons pas le risque qu'une libéralisation entraîne une hausse de la consommation", avait-elle lancé. Elle avait par ailleurs relevé qu'il existait une contrebande de cigarettes, produit pourtant légal.
"La légalisation est-elle vraiment la solution?", avait demandé Laurence Cohen (Communiste, républicain et citoyen, CRC). "Je pense qu'il faudrait plutôt la dépénalisation qui maintient l'interdit", avait-elle ajouté.