Le numéro deux de l'Elysée Jean-Pierre Jouyet est sur la sellette après ses revirements sur une mise en cause de Nicolas Sarkozy par François Fillon, qui ont provoqué une violente contre-attaque des deux rivaux pour 2017 et éclaboussé la présidence de la République.
Objet du scandale : dans un entretien le 20 septembre avec deux journalistes du Monde, M. Jouyet, dont les propos ont été enregistrés, affirme que M. Fillon lui aurait demandé, lors d'un déjeuner le 24 juin, de "taper vite" contre M. Sarkozy en accélérant les procédures judiciaires contre lui, notamment concernant le financement de sa campagne de 2012. Objectif : l'empêcher de "revenir" en lice pour la présidentielle de 2017.
M. Jouyet, qui a d'abord démenti avoir tenu de tels propos, les a ensuite confirmés, donnant l'impression d'une grande confusion au sommet de l'Etat.
Qualifiant ces déclarations de "mensonge", François Fillon a décidé de contre-attaquer en justice. Il a annoncé lundi qu'il allait demander en référé une copie intégrale de l'enregistrement de la conversation entre M. Jouyet et les deux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, en prévision de la plainte en diffamation qu'il compte déposer contre ces derniers et leur journal.
Nicolas Sarkozy est sorti de son silence lundi soir pour dénoncer "un torrent de boue". Lors d'un meeting à Caen dans le cadre de sa campagne pour la présidence de l'UMP, il a accusé le pouvoir de "mensonge" et "de donner le sentiment de vouloir instrumentaliser en permanence la justice".
"Je ne polémiquerai avec aucun membre de ma famille politique (...) Je ne céderai à aucune provocation (...) J'ai choisi d'ignorer cette marée de boue", a déclaré l'ex-président, rival probable de M. Fillon pour la présidentielle de 2017. "On ne peut abattre un adversaire en le salissant. C'est le contraire", a-t-il déclaré devant une salle bondée.
A droite, les attaques ont fusé contre l'exécutif, plusieurs personnalités réclamant la démission de M. Jouyet. Ancien ministre de Nicolas Sarkozy revenu en grâce auprès de François Hollande, celui-ci était censé apporter, lors de sa nomination en avril, rigueur et professionnalisme dans le fonctionnement de l'Elysée.
Jouyet 'très affaibli'
L'UMP a demandé lundi soir "à M. Hollande de s'expliquer car au-delà du seul secrétaire général, nous sommes bien en face d'un véritable +Élysée Gate+". "M. Hollande était-il informé de cette rencontre entre son bras droit et les deux journalistes du Monde? M. Hollande les a-t-il d'ailleurs lui-même rencontrés?", a demandé l'entourage du secrétaire général Luc Chatel dans un mail à l'AFP.
A l'Elysée, officiellement on considère que M. Jouyet "a apporté les précisions qu'il souhaitait apporter". "Depuis mai 2012, il n'y a eu en aucune manière une quelconque intervention dans des affaires judiciaires. C'est un principe et une pratique. C'est vrai depuis début 2012, c'est vrai aujourd'hui et ce sera vrai demain", assure-t-on dans l'entourage du chef de l'Etat.
Mais mezza voce certains proches du chef de l'Etat envisagent la possibilité d'une démission de M. Jouyet. "On n'est pas à l'abri d'un départ rapide (...) Il est très affaibli", affirme ainsi l'un d'entre eux.