Manuel Valls a su trouver les mots pour parler aux agriculteurs. Non ils ne sont pas des pollueurs, non ils n'appartiennent pas au passé: pour son premier déplacement agricole, samedi en Gironde, le Premier ministre a voulu rassurer une profession qui connait des temps difficiles.
Loin de Paris, de la crise politique et sa dégringolade dans les sondages, Manuel Valls s'est offert une petite bouffée d'oxygène auprès des agriculteurs, samedi lors des Terres de Jim, plus grand rassemblement européen organisé par le syndicat des Jeunes agriculteurs (JA).
Arrivé sous une petite haie d'applaudissements, Manu Valls effectuait à Saint-Jean-d'Illac (Gironde) sa première sortie agricole depuis qu'il est à Matignon.
Accompagné de son ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, et reçu par le président des JA, Thomas Diemer, il a sillonné les stands de ce salon de l'agriculture en plein air, obéissant à l'exercice imposé: tout goûter, du fromage en passant par la saucisse de Morteau ou le melon, et accompagner la dégustation d'un verre de vin.
Avançant dans un nuage de poussière et sous un soleil de plomb, le Premier ministre a su rassurer les agriculteurs qui, entre la météo, l'embargo russe, l'impact de la nouvelle PAC et le ralentissement de l'industrie agro-alimentaire, vivent une rentrée difficile.
Dans un discours plusieurs fois applaudi, le Premier ministre a assuré qu'il voulait "tordre le cou aux clichés qui, trop souvent encore, entourent le monde agricole".
Et il a dit vouloir "faire attention à ce discours que l'on entend parfois à considérer l'agriculteur comme un pollueur".
"Non", a-t-il scandé, "vous êtes au coeur de la nature et nous devons compter sur vous pour préserver l'environnement". Des "bravo" fusent de l'auditoire.
Dans un signal fort, Manuel Valls a d'ailleurs promis d'oeuvrer pour une révision de la directive nitrates à Bruxelles alors que la France vient à nouveau d'être condamnée pour manquement dans sa lutte contre cette pollution.
"Nous travaillerons à une adaptation de cette directive nitrates dont l'approche normative a clairement montré ses limites", a-t-il assuré, tandis que Céline Imart, vice-présidente du syndicat des jeunes Agriculteurs, a estimé que "la France se fait condamnée sur des critères techniques très complexes qui ne prennent en compte ni les réalités scientifiques, ni la réalité économique des exploitations".
Du boeuf aux hormones en France ?
Les agriculteurs ne cessent de se plaindre des contraintes environnementales qu'on leur impose et demandent une remise à plat de cette réglementation. Les organisations environnementales devraient en revanche moins apprécier l'annonce, car les nitrates sont des dérivés des engrais azotés qui peuvent polluer les eaux quand ils sont en quantité trop importante pour être absorbés par les plantes. Et ils peuvent provoquer la prolifération d'algues vertes dans les eaux de surface.
Sur un autre sujet, le Premier ministre a aussi prévenu que de "la préservation du modèle alimentaire européen et de nos intérêts stratégiques agricoles seront des lignes rouges" dans le cadre des négociations sur le traité transatlantique de libre-échange.
Ce traité, en cours de négociation, inquiète au plus haut point les agriculteurs qui craignent notamment l'arrivée de boeuf aux hormones ou du poulet chloré dans les assiettes des Français.
Manuel Valls a par ailleurs profité de l'occasion pour faire une nouvelle annonce, en confirmant aux agriculteurs la possibilité d'être reconnus comme exploitant individuel lorsqu'ils sont dans des formes sociétaires d'exploitation en commun, en l'occurrence des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC).
Interrogé à l'issue de ce déplacement, Thomas Diemer était "satisfait des engagements importants pris par Manuel Valls: sur le foncier, sur l'installation et sur l'environnement".
Pour Xavier Beulin, président de la FNSEA, Valls a eu un "discours volontariste emprunt de réalisme", mais lui donne "rendez-vous dans quelques mois pour en mesurer la portée".