Guillaume Klossa, 41 ans, est l'auteur d'"Une jeunesse européenne" (Grasset). Dans cet essai alerte, le fondateur du laboratoire d'idées Europa Nova, défend ses convictions européennes et livre une série de clés pour repenser la construction de l'UE. Il livre son analyse à DirectMatin.fr une semaine avant les élections européennes.
Une vague eurosceptique pourrait marquer les prochaines élections européennes dimanche prochain. La construction européenne est-elle réversible ?
Tout est réversible. Stefan Zweig dans « Le monde d'hier » qui a inspiré « Une jeunesse européenne » rappelle qu'en 1913, tous pensaient que la guerre était impossible et constituait une régression impensable de l'Europe. Qui aurait parié sur un démantèlement de l'Ukraine il y a un an ?
Les élites europhiles semblent incapables de convaincre les Européens du bien-fondé de l’UE. Est-ce notamment un problème de génération comme vous le suggérez dans votre livre ?
Il y a un paradoxe : les citoyens sont bien plus européens que leurs élites soit-disant européennes : ils sont très majoritairement pour l'euro ou une politique étrangère et de défense européenne, mais ils ont du mal à s'inscrire dans un récit européen faute de narrateurs européens, qui inscrivent les histoires individuelles dans l'histoire du continent. C'est l'ambition de mon livre qui est à la croisée du récit, du roman historique et du conte philosophique. Oui ma génération a une responsabilité parce qu'elle est la dernière a avoir dans son ADN la mémoire de la guerre, parce que c'est la génération Erasmus, parce qu'elle arrive au pouvoir dans de nombreux pays européens.
En France, le débat sur les élections européennes est devenu un débat politique intérieur par bien des aspects. L’Europe est-elle une chose trop grave pour être confiée aux partis politiques traditionnels, pour paraphraser Clemenceau ?
La difficulté des partis nationaux, c'est que leur cadre de pensée est structurellement limité au territoire national. Il faut des partis politiques et des dirigeants européens mais aussi des listes transnationales pour répondre aux défis qui dépassent la nation : régulation financière, régulation du commerce international, migrations, développement durable, gestion de l'euro, rapport à l'hyperpuissance chinoise
Le mouvement dont vous êtes l’initiateur, EuropaNova, se veut transeuropéen, transpartisan et transgénérationnel. Cette approche n’est-elle pas sinon utopique, du moins réservée à une élite, loin des préoccupations de l’ « Européen de base » ?
Les Européens veulent une Europe qui marche et serve leurs intérêts. Pour cela, il faut rassembler toutes les bonnes volontés pour changer la donne, c'est ce que fait EuropaNova depuis 10 ans.
Hormis la paix, Airbus et Erasmus – arguments sans cesse répétés - quels sont les acquis fondamentaux de la construction européenne que vous mettriez en avant pour convaincre un citoyen français de voter dimanche prochain ?
Imaginez que nous n'ayons pas intégré les dix pays d'Europe centrale et orientale à l'union, nous n'aurions pas une Ukraine mais onze Ukraine a nos portes et 5 ou 10% de notre richesse consacrée à la défense plutôt qu'aux dépenses sociales et de santé. Des banques mal contrôlées ont joué un rôle majeur dans l'aggravation de la crise économique et financière parce que des lobbys nationaux imposaient leurs règles aux États : il a fallu la force du Parlement européen pour voter une régulation financière digne de ce nom s'appliquant partout en Europe. Pensons aussi que l'Union européenne est de loin l'ensemble le plus avancé en matière de droits et libertés, notamment pour le respect de la vie privée qui est aujourd'hui partout bafoué dans le monde. Nous avons posé les bases, maintenant retroussons nous les manches pour construire sérieusement l'Europe.
Guillaume Klossa, Une jeunesse européenne, Paris : Grasset, 2014, 194 p., 12 €