Les électeurs pourront voter blanc dès les élections européennes de mai, mais pas aux municipales de mars, le Parlement ayant adopté mercredi une proposition de loi centriste le reconnaissant à partir du 1er avril.
En votant conforme un texte déjà adopté par les députés, les sénateurs ont ainsi fait un pas, mais un pas seulement, vers la prise en compte du vote blanc, véritable serpent de mer de la vie politique française puisque 30 textes parlementaires ont été déposés en 20 ans sur le sujet. L'un d'eux avait été adopté à l'Assemblée nationale en 2003 avant de voir son parcours législatif interrompu dans une navette au Sénat.
Chaque électeur pourra voter "blanc" soit en introduisant dans l'enveloppe un bulletin blanc, soit en laissant cette enveloppe vide. Jusqu'à présent, bulletins blancs et bulletins nuls étaient mélangés lors du dépouillement, et comptabilisés ensemble. Là, ils seront comptés séparément, sans toutefois être comptabilisés dans les suffrages exprimés, ce qui enlève une grande portée à ce vote.
En outre, ce vote blanc ne sera reconnu ni aux élections présidentielles, ni aux referendums locaux parce qu'il faudrait une loi organique. "J'appelle ce texte de mes voeux avant la prochaine échéance présidentielle", a déclaré le rapporteur, François Zocchetto (UDI-UC).
"La reconnaissance du vote blanc est intimement liée à la notion de démocratie représentative", a plaidé Alain Vidalies, le ministre des relations avec le Parlement, en soutenant le texte déposé par des députés centristes. Il a notamment rappelé que François Hollande en avait fait la demande lors de ses voeux aux bureaux des assemblées, le 21 janvier. "+Les électeurs assez sophistiqués pour voter blanc ne doivent pas être comptabilisés en vrac avec les paresseux ou les imbéciles+", a-t-il dit en citant le constitutionnaliste Guy Carcassonne, disparu il y a un an.
Des interrogations sur l'utilité du texte
Il a aussi regretté que sa mise en oeuvre dès les prochaines municipales "pose des problèmes pratiques, d'ordre informatique notamment" et ne soit pas possible.
Cette adoption constitue "une avancée dans la transparence de la vie démocratique et répond aux attentes de nombreux Français depuis de nombreuses années", a lancé M. Zocchetto. "L'absence de reconnaissance de la voix de l'électeur qui se déplace pour accomplir son devoir civique était choquante en démocratie", a-t-il ajouté.
Contrairement à l'Assemblée, le Sénat avait considéré en première lecture qu'une enveloppe vide ne saurait être assimilée à un bulletin blanc. Les députés estimaient notamment que "mettre des bulletins blancs à la disposition des électeurs serait coûteux et inciterait à voter blanc". "La commission des lois s'est finalement ralliée à la position simple et pragmatique de l'Assemblée nationale", a indiqué M. Zocchetto, président du groupe centriste.
"Le vote blanc est un acte délibéré et positif, contrairement le plus souvent au vote nul, qui procède d'une maladresse ou d'un rejet de l'offre politique", a argumenté Cécile Cukierman (Communiste, républicain et citoyen, CRC), se réjouissant que "le consensus semble prévaloir".
"Le vote blanc n'est pas qu'une vague fantaisie mais un thermomètre de la démocratie", a estimé Pierre Charon (UMP). "Nous devons entendre la détresse de nos concitoyens, pour mieux leur répondre".
"Mieux vaut voter blanc que bleu marine", a lancé de son côté l'écologiste Hélène Lipietz.
"Ce texte n'est pas mauvais mais on peut se demander s'il est utile", a relevé François Fortassin (RDSE, à majorité PRG).
Le vote blanc et nul avait attiré plus de deux millions d'électeurs aux élections législatives de 1993 et au référendum de 1972 sur l'élargissement de la communauté européenne. Lors du second tour de la présidentielle de 1995, aucun des deux candidats n'aurait eu la majorité absolue si les bulletins blancs avaient été comptabilisés. Jacques Chirac, qui l'avait emporté face à Lionel Jospin, n'aurait obtenu que 49,5% des suffrages.