Arnaud Bouthéon est co-fondateur de Sens Commun, le mouvement issu de La Manif pour Tous qui vient de prendre place à l'UMP. Il précise pour DirectMatin.fr les raisons et les ambitions de cette initiative après son lancement officiel le 19 décembre.
Tout le monde a été surpris par l’affluence à votre réunion de présentation au siège de l’UMP jeudi dernier, vous aussi ?
Ce fut effectivement une très bonne surprise … alors que les médias avaient été vraiment très discrets sur l’évènement. Cette affluence, inédite dans ce lieu, reflète un intérêt pour notre projet en général et pour l’engagement politique en particulier. Il nous engage et nous conforte dans l’idée qu’il faut désormais agir pour ne plus subir.
A l’UMP il y a déjà des ténors engagés contre le mariage gay : Hervé Mariton, Henri Guaino, Guillaume Peltier, Laurent Wauquiez. Qu’allez-vous apporter de neuf ?
Pour nous, la mobilisation autour de la loi Taubira est le symptôme d’une crise profonde qui traverse la société française : une crise de valeurs et de sens. Et si nous nous engageons dans l’élan du mouvement social du printemps dernier, nous ne sommes pas uniquement et heureusement focalisés sur le mariage gay. Nous souhaitons agir comme soutien auprès des élus courageux qui ont mouillé le maillot et battu le pavé à l’occasion de ce débat ; mais au-delà de cette question et autour de notre charte de convictions, nous souhaitons influer sur la ligne programmatique de l’UMP et promouvoir des propositions sur d’autres thématiques. Un premier rapport sur l’engagement civique a été dévoilé jeudi dernier. Nous travaillons sur d’autres sujets, comme l’entrepreneuriat, la jeunesse, l’Europe, l’éducation, l’identité de notre pays.
Avant les primaires de 2012 à l'UMP, Jean-François Copé et François Fillon avaient solennellement déclaré leur opposition au mariage gay au cours de l'émission "Des paroles et des actes" : vous allez leur rappeler ?
Par cette loi, le Président Hollande et le gouvernement ont cherché et réussi à profondément diviser le pays. L’engagement massif des parlementaires et élus de l’UMP dans l’hémicycle et dans les cortèges nous a séduits et nous n’osons croire qu’ils puissent avoir agi par suivisme ou opportunisme. Ils ont compris que le temps était venu d’une reconquête du pouvoir fondée sur les valeurs et les convictions, et qu’une droite honteuse aux valeurs plastiques ou élastiques conduirait à la prospérité de l’adversaire, à bâbord et à tribord toute. Croyant à la cohérence de l’engagement et de la parole, ils nous ont donné envie de nous engager à leur côté, revalorisant ainsi la noblesse de l’action politique, qui est de croire que grâce au courage et la volonté, rien n’est irréversible.
Si vous êtes pour l’abrogation de la loi sur le mariage gay, quel est votre point de vue sur la mise en place d’une union civile pour les personnes homosexuelles ?
L’adversaire a cherché à nous enfermer sur la question de l’union, afin de nous disqualifier en traitant d’homophobe toute personne simplement réservée sur la loi. La manœuvre était aussi habile que malhonnête, mais le piège heureusement n’a pas fonctionné. Je repense aux mots du député socialiste Jérôme Lambert, à la veille de la manifestation du 23 mars dernier, souhaitant qu’elle soit "une grande réussite car elle met en garde contre un projet de loi qui ne renforcera pas l’égalité pour les enfants, créant une confusion dans la filiation de certains". La question centrale est bien celle de la filiation et d’une "réforme de civilisation" conduisant mécaniquement, via la PMA et la GPA, à la fabrication d’êtres humains et donc à la rupture de filiation. Notre charte précise que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. La priorité des priorités est de nous assurer que l’UMP, dans les semaines à venir, et dans le cadre du programme de reconquête, s’engage à revenir sur la loi Taubira qui n’est pas un dogme. La question de l’union civile n’est pas donc pas d’actualité et n’est pas prioritaire, alors qu’une première adoption plénière a déjà été enregistrée.
Que vous a dit Nicolas Sarkozy quand il vous a rencontrés en novembre ?
L’entretien a été direct et chaleureux. Nous avons partagé un diagnostic sur la déprime française, le déficit de leadership et les signaux négatifs envoyés aux forces vives du pays : familles, entrepreneurs, éducateurs et investisseurs. Nous avons également parlé plus intimement de la question du sens et de la transcendance dans une société consumériste et insatisfaite.
Premier rendez-vous de Sens Commun : les municipales. Vous allez "mettre la pression" sur les candidats de l’UMP ?
Nous encourageons les personnes partageant nos idées à adhérer, à s’engager sur les listes, et à se mobiliser. Sens Commun est à leur disposition pour les aider sur ce point. Il s’agit d’un scrutin local, dans lequel l’ancrage de proximité compte. Le combat est moins celui de promouvoir et faire signer des chartes que d’encourager et soutenir les candidats les mieux placés pour battre l’adversaire socialiste. La première des urgences, c’est l’alternance.
Charles Beigbeder vous soutient, mais il a été débarqué par NKM dans le VIIIe arrondissement de la capitale : cela s’annonce mal pour vos idées à Paris non ?
Nous faisons le choix de nous engager auprès de l’UMP et c’est un choix résolu. À Paris, des primaires ont eu lieu et ont conduit au choix d’une candidate. Dans la famille UMP, il peut y avoir plusieurs équipes, comme dans un championnat sportif. Mais lorsque l’équipe de France joue, le maillot national couvre celui du PSG, de Lille ou de Marseille. Nous portons le maillot de l’UMP et le combat est national. Nous ne doutons pas que la candidate saura entendre les convictions qui nous animent et mesurer le poids que nous pesons. L’alternance est la première des urgences, et la politique du pire est à proscrire. Nous nous mobiliserons pour la défaite de Madame Hidalgo, et de ses alliés socialistes et communistes, dont nous attendons toujours la dénonciation de la profanation honteuse de l’église de la Madeleine par les Femen, en fin de semaine dernière.
Rejoindre Sens Commun implique de prendre sa carte à l’UMP, ce que vous reprochent certains militants LMPT : vous leur répondez quoi ?
Le mouvement a été celui de la liberté de conscience et d’expression. Il est aussi celui de la liberté d’association. Dans cet élan, nous activons simplement une option qui n’engage que nous ; celle d’ouvrir, pour ceux qui le souhaitent, un acte second à la mobilisation : celui de l’engagement politique, afin de peser dans un parti et aider à le "vivifier", pour reprendre les récents encouragements du député UMP Philippe Gosselin. A ceux qui hésitent à franchir le pas, nous disons que "s’encarter, c’est pas péché". Une adhésion n’est pas éternelle. A l’occasion d’un débat sociétal majeur, des élus courageux se sont révélés. Nous souhaitons qu’ils pèsent à l’avenir et ont besoin de soutien. La question d’une pseudo-récupération est absurde. Nos idées et nos principes ne nous appartiennent pas et doivent donc être récupérés par tous !
La politique, c’est parfois l’art du compromis ? N’y serez-vous pas contraint si vous voulez percer à l’UMP ?
Nous nous battons pour des idées mais non pour des égos et sommes au-delà des courants et des motions dans le parti. La politique est l’art du meilleur possible. C’est un combat qui est avant tout intérieur : le combat de la conscience. Notre souhait est simplement que la droite de gouvernement comprenne que la reconquête du pouvoir passera par une révolution des valeurs, que le logiciel actuel est dépassé voire vérolé et que beaucoup de choses doivent être reconstruites, en se reposant sur des fondamentaux. Le respect de la personne humaine, la stabilité et la protection de la cellule familiale et de l’enfant font partie de ces fondamentaux, tout comme la question de l’aventure collective de l’identité française. Si pour 2017, ces points fondamentaux ne sont pas repris dans le programme du candidat, nous saurons prendre acte de notre échec et quitter l’UMP.
Le débat sur l’euthanasie revient : quelle est votre point de vue sur la question.
De l’avis de tous, l’actuelle loi Leonetti actuelle est parfaitement équilibrée et suffisante. La proposition socialiste, sur la forme et le fond, arrive comme une nouvelle provocation, pour satisfaire une minorité libérale libertaire dans la cohérence de cette "réforme de civilisation" formellement inaugurée par la loi Taubira. Tandis que le pays déprime, que les talents fuient, que les entrepreneurs souffrent, il est irresponsable et honteux que les socialistes s’évertuent encore à diviser le pays…
Arnaud Bouthéon est un des co-fondateurs de Sens Commun.Après une expérience dans le sport business et l'événementiel, il a rejoint le mouvement social opposé à la Loi Taubira pendant plusieurs mois de novembre 2012 à mai 2013. Il est actuellement consultant auprès de diverses institutions.
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