La ministre des Affaires sociales Marisol Touraine, soumise à de fortes pressions des syndicats, du patronat et d'une partie de la gauche, jusque dans les rangs du PS, multiplie en plein été les rencontres avec les partenaires sociaux pour préparer l'explosive réforme des retraites, sans encore dévoiler ses intentions.
Après le Premier ministre Jean-Marc Ayrault la semaine dernière, Mme Touraine a reçu successivement jeudi et vendredi les représentants des organisations syndicales et patronales qu'elle recevra une nouvelle fois en fin de semaine prochaine.
L'enjeu est de combler un déficit des caisses de retraites estimé à 20 milliards d'euros en 2020, mais aussi d'instaurer un "pilotage" à moyen terme des régimes de retraites qui éviterait de nouveaux psychodrames. La mise en place d'un "comité de suivi" constitué d'experts émettant tous les ans des recommandations est en vue.
"La ministre avance extrêmement prudemment. On est sorti de la réunion sans aucune certitude sinon qu'il y aura un allongement de la durée de cotisation, mais sous quelle forme, on ne sait pas", dit Philippe Pihet, négociateur de Force Ouvrière.
Autre piste en vue: une mise à contribution des retraités les plus aisés, via une baisse du plafond pour bénéficier de l'abattement fiscal de 10% ou un alignement du taux de la CSG des retraités sur celui des actifs.
Ces mesures sont autant de lignes rouges pour quatre syndicats - CGT, FO, FSU, Solidaires - qui ont déjà programmé une manifestation le 10 septembre.
La CFDT et la CFTC, en revanche, ne seront pas dans la rue ce jour et lient un allongement éventuel de la durée de cotisation à "des mesures de justice sociale". "Il faut des mesures particulières sur la pénibilité et en faveur des femmes", a souligné auprès de l'AFP Pascale Coton, numéro deux de la CFTC.
Autre piste à l'étude: un accroissement des cotisations vieillesse, mais là, c'est le patronat qui est hostile à une mesure qui alourdirait la charge des entreprises en mal de compétitivité. "Ce sera un casus belli", dit l'UPA (artisans). Même tonalité du côté du Medef.
"Mme Touraine nous a demandé est-ce que les Français comprendraient que les entreprises ne fassent pas d'efforts? Et nous lui avons dit qu'ils ne comprendraient pas non plus une mesure contraire à l'emploi", a indiqué à l'AFP Pierre Burban secrétaire général de l'UPA, à l'issue de l'entretien. Une autre solution serait un report en 2015 de l'effort patronal mais l'UPA y est toujours opposée.
"Une ligne commence à gagner du terrain au sein de la majorité et du gouvernement: ce dernier ferait simultanément deux types d'annonces en septembre. D'une part, des mesures d'urgence, en faisant payer un peu tout le monde" pour trouver les milliards manquants dans l'immédiat et "d'autre part un vrai chantier de réformes avec un calendrier sur deux ans", croit savoir une source parlementaire.
"La réforme est nécessaire" et ne doit "pas être anxiogène", a affirmé Mme Touraine. Le calendrier est fixé: fin août, le Premier ministre recevra de nouveau les partenaires sociaux ; un projet de loi sera sur la table du Conseil des ministres début ou mi-septembre et présenté au Parlement pour une adoption en fin d'année.
Les syndicats contestataires comptent sur la pression de la rue. "Le fait que la température monte peut nous permettre de nous faire entendre", affirme Eric Aubin de la CGT.
D'autant plus que la fronde syndicale trouve un écho du côté des politiques: une pétition est lancée par des dizaines de personnalités, notamment Pierre Laurent (PCF), Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), Gérard Filoche, membre du bureau politique du PS. Leur slogan: "Pas un trimestre de plus, pas un euro de moins".
Le mécontentement s'est fait aussi entendre au PS où l'aile gauche estime qu'une réforme n'est "ni urgente, ni opportune". La direction du PS a fini par adopter mardi un texte qui propose une réforme a minima et rejette tout allongement de la durée de cotisations avant 2020. Mais Gérard Caresche, député PS de Paris, tire à boulets rouges sur ce "mauvais compromis" et entend présenter des propositions avec d'autres députés pour une réforme de fond. "Le groupe parlementaire aura lui aussi son mot à dire à la rentrée", prévient-il.