La réforme bancaire, de retour mercredi en deuxième lecture à l'Assemblée, va être un peu musclée pour renforcer la lutte contre l'évasion et la fraude fiscale, et limiter certains frais bancaires, sujet qui divise les parlementaires PS.
Nouvel épisode pour le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, cet examen par les députés, avec une centaine d'amendements à discuter, intervient après une large adoption par les sénateurs, qui ont un peu durci le texte notamment sur les paradis fiscaux ou la rémunération des banquiers.
Il se produit surtout après les remous de l'affaire Cahuzac et les révélations de l'"Offshore Leaks" sur des placements dans des paradis fiscaux, qui ont alimenté une mobilisation de grands pays, via notamment le G8 et le G20, pour renforcer la lutte contre l'évasion fiscale.
Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a qualifié cette loi de "grande réforme" soulignant les "progrès" qui sont les "fruits de l'implication résolue du Parlement sur ce projet". Jean-François Lamour (UMP) y a même vu un gouvernement "totalement dépassé par sa majorité".
Face aux critiques dépeignant le projet de loi comme timoré et éloigné des promesses du président de la République, sa rapporteure, Karine Berger (PS), a elle aussi souligné lors d'une conférence de presse que "la loi bancaire, très injustement regardée jusqu'à présent, marque un tournant dans l'histoire de la régulation, avec une dynamique en Europe où la France est leader".
Le projet de loi sépare les activités les plus spéculatives et la banque de détail, sans aller jusqu'à la scission promise par François Hollande durant la campagne présidentielle. Il cantonne les activités spéculatives des banques non utiles à l'économie dans une filiale séparée et prévoit une supervision renforcée des activités de marché et l'interdiction des activités spéculatives sur dérivés de matières premières agricoles ou via le trading à haute fréquence.
Le texte oblige les banques françaises à publier des informations détaillées (effectifs, chiffre d'affaires, bénéfices, impôts, etc) sur leurs activités dans chaque pays étranger, paradis fiscaux inclus.
Autre "avancée stupéfiante" contre les paradis fiscaux, selon les mots de Mme Berger, un amendement socialiste, qui devrait être adopté, va étendre ces obligations à certaines grandes entreprises, dont la taille sera fixée par décret. A l'ouverture du débat, M. Moscovici a dit qu'il soutiendrait cet amendement.
Amendement sur les données fiscales
ais pour "ne pas pénaliser les grandes entreprises", selon le ministre, cette mesure "ne sera applicable que lorsque la Commission européenne aura légiféré". Sachant, comme l'a relevé la rapporteure, que "la bataille sur ce sujet n'est pas gagnée en Europe".
Pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale, le gouvernement a aussi déposé un amendement pour donner une base légale à l'échange automatique de données fiscales avec d'autres pays.
C'est sur les frais bancaires que devrait porter le débat le plus saillant, députés et sénateurs PS n'ayant pas les mêmes choix sur la limitation du montant des commissions d'intervention facturées aux clients réglant un achat quand leur compte n'est pas approvisionné.
Alors que les sénateurs ont prévu deux plafonds, l'un plus bas pour les clients les plus fragiles et l'autre pour le reste des clients, les députés PS préfèrent revenir à un unique plafond -avec un montant par mois et un montant par opération qui seront fixés par décret. La Fédération bancaire française plaide pour le double plafond. L'UMP et l'UDI aussi.
Dans l'hémicycle, "il est probable que le ministre de l'Economie laissera le choix aux députés", a dit Mme Berger, pronostiquant que "le débat se poursuivra avec les sénateurs".
Sur la rémunération des dirigeants et personnels des banques, traders en tête, en vue de limiter la prise de risque excessive, les mesures ajoutées au Sénat devraient être modifiées à l'Assemblée pour simplement transposer les principaux éléments d'une directive européenne. La rémunération variable ne pourra pas dépasser le montant de la rémunération fixe, mais pourra atteindre au maximum le double si une large majorité des actionnaires est d'accord.