L'Assemblée nationale doit examiner jeudi une proposition de loi visant à lever l'interdiction de la recherche sur l'embryon humain. Déjà adopté par les sénateurs, ce texte est vigoureusement contesté par la Fondation Lejeune, en pointe sur la question. Son président, Jean-Marie Le Méné, répond aux questions de DirectMatin.fr.
En quoi le texte examiné par les députés franchit-il un cran que vous jugez dangereux ?
Une économie parallèle s’est créée avec l’utilisation de l’embryon comme réactif chimique livré aux laboratoires de l’industrie pharmaceutique. Il s’agit d’une pratique illégale puisque la loi de 2011 interdit la recherche sur l’embryon. Les dérogations ne devraient être accordées que pour des progrès thérapeutiques majeurs et sous réserve d’absence d’alternative. Ce n’est pas le cas de beaucoup des recherches autorisées qui ne visent qu’à faire de l’embryon un modèle idéal pour tester des molécules. Il y a donc clairement un intérêt financier à la clé. Recourir à des alternatives (animaux ou cellules souches non embryonnaires) aurait un coût. L’embryon ne coûte rien. La majorité considère qu’il suffit de changer la règle pour être en règle. En faisant sauter le principe du respect de l’embryon.
Dans bio-éthique, il y a aussi le mot éthique, c'est-à-dire primauté de l’humain sur la technique. L’inversion de cette hiérarchie des valeurs ne sera pas sans conséquence. Désormais ce qui sera garanti par la loi, ce ne sera plus la protection de tout être humain, mais le principe de la destruction de certains. Avec cette nouvelle loi libérale-libertaire, la transgression ne change pas de degré mais de nature.
En préconisant de verrouiller la recherche sur les cellules souches embryonnaires, ne compromettez-vous pas le développement de thérapies prometteuses ?
Le législateur devrait d’abord être convaincu par un argument éthique. La fin ne justifie jamais les moyens et supprimer un être humain pour prétendre en soigner un autre est une curieuse méthode.
Mais si le législateur n’est pas sensible aux arguments éthiques, qu’il le soit aux arguments scientifiques. La communauté scientifique le sait, en matière de thérapie, l’avenir est aux cellules souches non-embryonnaire. Depuis vingt ans, il n’y a pas une seule application pratique en thérapie cellulaire que l’on puisse mettre à l’actif de la recherche sur l’embryon humain. Au contraire, les cellules souches adultes et de sang de cordon sont les seules à être utilisées en thérapie cellulaire. Pour certains types de pathologies les greffes de cellules souches non-embryonnaires soignent déjà des patients.
Enfin, les cellules souches reprogrammées (dites iPS découvertes par le Pr. Yamanaka Nobel 2012) offrent déjà des perspectives bien plus prometteuses que les cellules souches embryonnaires en matière de thérapie cellulaire. La rapidité du lancement du premier essai clinique sur la DMLA (Dégénérescence Maculaire liée à l’âge) et les investissements massifs qui se portent – à l’étranger – sur les iPS soulignent le potentiel de cette recherche. Qu’est-ce qu’on attend pour aller dans cette voie au lieu de voter des textes anachroniques !
Souhaitez-vous le maintien du régime dérogatoire tel qu'il existait jusqu'à présent ?
Le régime dérogatoire tel qu’il existait depuis la loi de 2004 avait vocation à disparaître dès l’apparition d’alternatives à la recherche sur l’embryon. Ce moment est venu. Les alternatives sont nombreuses. Il n’y a pas d’hésitation à avoir.
Clairement, le maintien du principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon n’a jamais été autant justifié qu’aujourd’hui. Je rappelle simplement que si la proposition de loi était votée, ce serait la première fois dans l’histoire de notre pays qu’un principe de destruction prévaudrait sur un principe de protection de l’être humain. C’est inepte.
Qu’est-ce qu’une République où on modifie par la loi par convenance, convenance de certains chercheurs pour échapper à la justice ou convenance de certains laboratoires pharmaceutiques nullement gênés par la marchandisation de l’humain ?
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