Alain Juppé n'a pas caché son pessimisme sur la médiation engagée entre les adversaires pour la présidence de l'UMP, François Fillon et Jean-François Copé, qu'il réunit dimanche dans la soirée, au moment où le psychodrame qui agite le parti a repris de plus bel à son siège.
Alors que les conditions mêmes de cet arbitrage n'ont pas encore été acceptées par les deux belligérants, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac a clairement dit que si ces derniers n'acceptaient pas ses conditions il se retirerait : "Ce n'est pas un drame, ils se débrouilleront".
"S'ils n'acceptent pas, je n'ai aucun pouvoir pour imposer quoi que ce soit. Je me place dans l'espoir de réussir même si j'ai très peu de chance", a insisté le maire de Bordeaux.
"Je fais quand même confiance à ma force de conviction. C'est l'intérêt des deux protagonistes. Ils ont intérêt l'un et l'autre à ce que ça marche", a toutefois ajouté celui qui les recevra à 19H00 dans un endroit "neutre" qu'il n'a pas voulu dévoiler.
a fixé un certain nombre de conditions à sa médiation, qui toutes ont été acceptées par le camp Fillon mais posent problème aux partisans de Jean-François Copé, pour le moment toujours président proclamé de l'UMP.
L'ancien Premier ministre s'exprimait au moment où venait de démarrer, au siège du mouvement dans le XVe, une réunion de la du parti, elle-même au centre d'une bagarre entre fillonistes et copéistes.
Les partisans du député de Paris jugent qu'elle est aux mains de leurs adversaires et ne veulent pas prendre ses décisions pour argent comptant, préférant s'en remettre à Alain Juppé pour arbitrer.
Les amis du député-maire de Meaux jouent au contraire le légalisme à fond. De leur point de vue, cette commission est la seule valable au vu des statuts du parti et son jugement sera souverain.
ci-dessus
Illustrant aussitôt cette querelle, Eric Ciotti et Eric Berdoati observateurs pro-Fillon des travaux de la commission, ont quitté la réunion au motif qu'elle était illégitime. Le camp Copé a alors aussitôt envoyé dans le hall de l'UMP l'avocat Francis Szpiner, qui a dénoncé la "désertion" des fillonistes.
La commission a fait ensuite savoir "à l'unanimité" de ses membres qu'elle poursuivait ses travaux malgré ce départ des deux observateurs fillonistes.
Les nombreux journalistes présents au siège de l'UMP attendaient toujours à la mi-journée une conférence de presse du président de la commission, le copéiste Yanick Paternotte.
La suite des événements dépendra beaucoup de ce qu'il dira: s'il désigne un gagnant sans autre forme de procès c'en sera aussitôt fini de la médiation Juppé.
Une partie des conditions édictées par le maire de Bordeaux pour mettre en place son arbitrage - que la commission ne se réunisse pas dimanche matin et que ses membres ayant soutenu l'un ou l'autre candidat se déportent - sont déjà tombées à l'eau.
C'est seulement au moment de la rencontre à trois dimanche soir que pourront être approuvées les modalités de constitution de la commission de médiation, qui, sous quinze jours et avec l'aide de personnalités indépendantes, rendra ses conclusions pour tenter de sortir de l'impasse.
ci-dessus
Mais pour le moment, Jean-François Copé semble déterminé à ne rien lâcher. Derrière les deux prétendants pour 2017, Nicolas Sarkozy "suit l'affaire de très près", selon un proche de l'ancien chef de l'Etat. Soucieux de se ménager la possibilité de revenir sur le devant de la scène, ce dernier "n'acceptera jamais qu'Alain Juppé s'empare des rênes de l'UMP", a ajouté ce proche. Le scénario de remise en selle du maire de Bordeaux en inquiète plus d'un dans le parti, même si ce dernier ne cesse de répéter que sa ville est "sa priorité".
En attendant, les dégâts dans l'opinion semblent importants. Dans un sondage publié dimanche par le JDD, 71% des Français et 67% des sympathisants UMP estiment que ce serait "une bonne chose" de refaire l'élection.
Les deux adversaires perdent également pas mal de points dans leurs rangs: la cote de popularité de François Fillon parmi les sympathisants UMP est passée de 90% avant l'élection à 86% après, les chiffres pour Jean-François Copé passant de 76% (avant l'élection) à 55% (après).
François Fillon est jugé toutefois comme le meilleur opposant à François Hollande par 30% des Français, loin devant Jean-François Copé (19%), selon un sondage BVA paru dimanche dans Le Parisien/Aujourd'hui en France.