Après quatre jours d'une crise mortifère, une sortie de crise s'esquisse à l'UMP avec la création d'une commission présidée par Alain Juppé. Le politologue Thomas Guénolé analyse ce psychodrame.
Quel est le problème à l’UMP ?
Le parti est coupé en deux autour de la question de la frontisation de la ligne politique. Cela pose un problème car si le parti part trop vers l’extrême, l’UMP perd les centristes et s’il va trop loin vers le centre, il perd la droite sécuritaire. Il y a donc une obligation de couvrir tout le spectre ce qui est impossible avec un discours unique.
Comment faire ?
Il faut changer la culture bonapartiste du parti qui s’est construite autour d’un chef charismatique qui donne une ligne unique. Car lorsque celui-ci se retire, en l’occurrence Nicolas Sarkozy, la crise est automatique.
Pour faire la polyphonie vitale à l’UMP, cela suppose un système dans lequel le débat contradictoire interne est valorisé avec des courants. Et un an avant la présidentielle, on organise une primaire pour trancher entre les leaders des courants.
Peut-on faire coexister ces courants sans un chef fort ?
Le diagnostic, c’est que parmi les candidats à la présidence ou ceux qui auraient pu l’être, il n’y a pas de leader qui a la légitimité d’être chef. J’en déduis qu’il faut une coprésidence, mais pas un duo Copé-Fillon qui tournerait un duel. La structure équilibrée, c’est un trio Copé-Fillon-Juppé dans lequel Alain Juppé jouerait le rôle de catalyseur de l’association.
Dans l’intérêt général du parti, cette coprésidence maximise l’efficacité et l’unité.
Pourquoi faire appel à Alain Juppé ?
C’est le plus ancien dans le grade le plus élevé, et c’est essentiel car il y a une culture hiérarchique importante à droite. Par ailleurs, à son âge (67 ans, ndlr), il n’a plus l’ambition de la présidentielle de 2017. Cependant, il ne peut pas être seul président, cela poserait un problème de légitimité car il n’a pas été candidat.
S’il s’était présenté, tout cela ne serait pas arrivé…
Je ne le crois pas car Alain Juppé fait partie de ces gens qui, à mon sens, comme Raymond Barre ou Michel Rocard sont les meilleurs disponibles pour être second. Mais quelque chose coince en eux quand il s’agit d’aller jusqu’au bout. Alain Juppé n’a, par exemple, jamais été au bout d’une candidature à la présidentielle.
Il y avait quelque chose de similaire chez François Fillon mais il a montré dans cette crise, à ma grande surprise, qu’il est tout de même capable de fermeté.
Au regard du déchirement actuel, un tel trio peut-il se former ?
On ne peut pas exclure que les gens se comportent de manière intelligente. Et je pense que plus la situation va se dégrader, plus ça ira mal à l’UMP, plus on s’orientera vers cette solution.
La pire des situations serait un Président élu dans des circonstances dramatiques avec une faible légitimité de 50% et quelques dizaines de voix. Ce ne serait pas sérieux pour l’UMP de tenir ainsi jusqu’en 2017.
Peut-on imaginer un nouveau vote ?
Cette solution donnerait une image pitoyable du parti. Je ne vois qu’une hypothèse pour un nouveau vote, celui d’un référendum pour ou contre le triumvirat. Dans ce cas, à mon avis, la solution serait plébiscitée car elle satisfait tous le monde. Avec Fillon et Copé, cela contenterait chaque camp et Alain Juppé a très forte popularité.
Thomas Guénolé est politologue, maître de conférence à Sciences Po et consultant politique.