Au lendemain de la désignation de son successeur Thierry Lepaon, Bernard Thibault a affirmé mercredi que la page de la crise interne de la CGT était désormais "tournée", et a lancé une offensive contre le gouvernement et son pacte de compétitivité.
"La CGT conteste fortement les volets essentiels du dispositif" présenté mardi par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault en soutien à la compétitivité, a lancé le secrétaire général du syndicat, lors d'une conférence de presse au côté de son dauphin désigné.
Selon lui, "au fil des mois, les motifs de déception se multiplient, voire de critiques ou d'incompréhension à l'égard des décisions du gouvernement".
M. Thibault a rejeté à la fois le diagnostic qui sous-tend le plan du gouvernement- "une vaste campagne consistant à culpabiliser les salariés sur le coût du travail" - et sur son financement, via la hausse de la TVA, "un impôt très inégalitaire".
"Je croyais que le gouvernement était contre la hausse de la TVA", a-t-il dit.
Par ailleurs, selon lui, les 20 milliards d'euros de crédit d'impôt prévus par le plan, "vont bénéficier à toutes les entreprises y compris à celles qui distribuent des dividendes. C'est inacceptable pour nous".
"Je comprends que Mme Parisot (la patronne du Medef) a dû boire du champagne hier soir", a-t-il ironisé.
"20 milliards, ce n'est pas une paille. Même si on prend pour argent comptant le pronostic du gouvernement sur la création de 300.000 emplois" grâce à ce plan, "cela fait 67.000 euros pour chaque emploi créé et payé souvent au Smic. C'est cher payé", a-t-il dit.
Ces 20 milliards "s'ajoutent à 160 mds d'exonérations déjà accordées. Je dis stop", a lancé M. Thibault, qui espère persuader le gouvernement de "revenir sur certaines dispositions" du plan lors d'une rencontre le 22 novembre.
Pas de "rupture" suffisante avec l'ére Sarkozy
Le leader cégétiste s'en est pris aussi à "la position expectative du gouvernement", qui s'en remet trop, selon lui, au "dialogue social". "On ne peut pas s'en remettre uniquement à des négociations" entre patronat et syndicats, "le législateur doit prendre la main".
Dans les négociations en cours sur la sécurisation de l'emploi "nous n'arriverons pas à nous mettre d'accord avec le patronat sur la nature des réformes à mettre en oeuvre pour sortir de la crise", a-t-il notamment estimé.
M. Thibault reconnaît certaines "mesures positives" du gouvernement, notamment le retour partiel à 60 ans. Mais, concernant "l'emploi et le pouvoir d'achat, nous ne sommes pas en présence d'une politique gouvernementale suffisamment en rupture avec ce qui s'est fait ces dernières années", a-t-il jugé.
La CGT entend montrer son insatisfaction lors de la mobilisation organisée le 14 novembre avec d'autres syndicats, dont la CFDT, à l'appel de la Confédération européenne des syndicats. "87 manifestations et rassemblements sont prévus", a dit M. Thibault.
Pour le numéro un de la CGT, qui va passer le témoin au Congrès en mars prochain à M. Lepaon, "la crise de la direction de la CGT est une page qui est tournée".
Il a vanté les mérites "comme militant et comme dirigeant national" de M. Lepaon, qui a été adoubé mardi par le "Parlement" de la CGT, ce qui a mis fin dix mois de crise de succession.
D'ici mars, le dauphin désigné sera associé à la direction mais M. Thibault entend exercer pleinement sa responsabilité.
Il a ainsi refusé d'évoquer à ce stade son bilan de près de 14 ans à la tête de la CGT, "j'ai encore quatre mois pour l'améliorer!", a-t-il dit.
Quant à M. Lepaon, il a insisté sur le nécessaire "rassemblement" de la CGT qui est sa principale "force". Il a affirmé aussi qu'il n'était pas forcément à la recherche d'une "rupture" avec son prédécesseur sur la gestion du syndicat.