L'ex-procureur de Nanterre Philippe Courroye et l'ex-président Nicolas Sarkozy se sont rencontrés au moins huit fois à des dates proches de moments-clés de l'affaire Bettencourt, mais le magistrat dément avoir évoqué l'affaire à ces occasions, révèle vendredi Le Monde.
Les avocats de MM Sarkozy et Courroye n'étaient pas joignables vendredi à la mi-journée.
Le journal, qui a obtenu des procès-verbaux versés à l'enquête judiciaire menée à Bordeaux, cite divers rendez-vous entre M. Sarkozy et M. Courroye, ou un certain "Ph C" figurant sur l'un ou l'autre de ses agendas, parfois avec la mention "arrivée par le parc", pour garantir semble-t-il la discrétion de la rencontre.
Ils se seraient ainsi rencontrés le 12 juin 2010, deux jours après que la fille de Liliane Bettencourt eut apporté à la brigade financière le produit des enregistrements réalisés pendant un an par le majordome de sa mère.
Ou le 11 septembre 2010, alors que l'ancienne comptable Claire Thibout a évoqué un possible financement illicite de la campagne de M. Sarkozy en 2007, et quatre jours avant un voyage du procureur en Suisse pour y chercher des éléments sur un tel financement, voyage dont il rentre quasi-bredouille.
Les agendas, assure le quotidien, montrent aussi des rendez-vous de M. Courroye avec Patrick Ouart et Jean-Pierre Picca, deux conseillers justice successifs de M. Sarkozy à l'Elysée.
M. Courroye, entendu pendant plusieurs heures le 2 octobre par deux des juges en charge de l'affaire Bettencourt à Bordeaux, a été questionné sur ces coïncidences. Selon Le Monde, il a confirmé connaître personnellement M. Sarkozy depuis une douzaine d'années, et "le voir depuis une à trois fois par an pour évoquer des sujets généraux et institutionnels", au cours de "rencontres privées".
"Il n’a jamais été question de cette affaire dans mes rencontres avec M. Sarkozy, M. Ouart ou M. Picca", aurait ainsi assuré aux juges M. Courroye, aujourd'hui avocat général à Paris, ajoutant: "Vous n’imaginez pas M. Nicolas Sarkozy ou M. Ouart m’interroger sur des affaires que je pouvais traiter. Vous m’imaginez encore moins moi-même répondant à des questions sur ces affaires ou prenant des +instructions+. Le penser serait même outrageant".
Il aurait complété : "Mes relations avec Nicolas Sarkozy n’ont jamais porté sur aucune affaire que je traitais", et "M. Nicolas Sarkozy ne m’a jamais parlé du financement de sa campagne et je ne lui en ai jamais parlé".
De nombreux acteurs du dossier estiment que M. Sarkozy lui-même pourrait être interrogé rapidement dans cette affaire par les juges.