En outre-mer aussi, le gouvernement accélère la cadence du changement: pour lutter contre la vie chère, des réformes de l'organisation de ces économies insulaires ont été présentées mercredi en Conseil des ministres avec comme objectif "des baisses de prix effectives".
A l'origine de graves incidents entre manifestants et forces de l'ordre, notamment en 2009 en Guadeloupe et en Martinique, le coût de la vie est le talon d'Achille des départements et collectivités d'outre-mer: selon l'Insee, le revenu disponible des ménages qui y vivent est en moyenne inférieur de 35% à la métropole, mais les produits alimentaires y sont entre 30 et 50% plus élevés. D'autres produits de grande consommation sont dans la même situation.
Mercredi, le ministre des Outre-mer Victorin Lurel a présenté un projet de loi devant "rétablir une concurrence effective" dans les économies locales, marquées par la prépondérance de grands groupes et les monopoles.
Le gouvernement est décidé de changer de braquet: alors qu'il misait sur une adoption définitive de la réforme au printemps, il a finalement décidé que le texte serait débattu au Sénat dès le 28 septembre, en session extraordinaire, en vue de son "adoption définitive d'ici la fin 2012", a annoncé M. Lurel à la presse.
A la différence de tous ses prédécesseurs selon lui, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault entend "s'attaquer véritablement aux structures" de la formation des prix et apporter "des solutions durables aux dysfonctionnements". "On peut se poser moult questions sur les marges" des opérateurs, en raison d'"écarts inexpliqués" de prix entre l'outre-mer et la métropole, a déclaré M. Lurel.
"Il y a des monopoles de fait dans la distribution, il faut les supprimer", avait réclamé en juillet dernier le parlementaire Jean-Pierre Sueur, à la tête d'une mission sénatoriale sur La Réunion et Mayotte.
Concrètement, la loi permettra au gouvernement de "prendre par décret des mesures de régulation des marchés de gros et de la chaîne logistique, afin de défendre l'intérêt des consommateurs".
Pour s'attaquer aux monopoles, elle créera pour l'outre-mer une nouvelle "infraction de concurrence" pour "réprimer les accords exclusifs d'importation", sauf lorsqu'il est prouvé qu'ils profitent au consommateur.
M. Lurel a souhaité que les collectivités d'outre-mer puissent, si tel est leur intérêt, "s'émanciper de la métropole et de l'Europe", d'où vient la quasi-totalité des importations. La Réunion pourrait par exemple importer d'Afrique du sud, a-t-il avancé.
D'autre part, la nouvelle législation abaissera "le seuil pour le contrôle des concentrations dans le commerce de détail, ce qui permettra de contrôler la plupart des opérations portant sur des surfaces de vente supérieures à 600 m2".
Dans le secteur de la grande distribution, elle dote l'Autorité de la concurrence du pouvoir d'adresser aux opérateurs des "injonctions structurelles, pouvant aller, après procédure contradictoire, jusqu'à la cession de surface".
Cette clause, a reconnu Victorin Lurel, "a déclenché l'ire de socio-professionnels". Ce n'est qu'"une arme de dissuasion", a-t-il dit, tablant sur "la concertation" pour que l'on n'en vienne pas à cette extrémité.
Dernière innovation, cette autorité de la concurrence - celle qui existe déjà dans l'Hexagone - pourra être saisie par les collectivités territoriales.
Par ailleurs, pour ce qui concerne spécifiquement les carburants, le gouvernement a chargé les préfets outre-mer de préparer un dispositif calqué sur celui de la métropole pour faire baisser les prix à la pompe.