Invitée de l’émission Clique sur CANAL+ ce mardi soir, Juliette Binoche a fondu en larmes en racontant les épreuves qu’elle a traversées dans sa vie d’actrice, certaines qui ont douloureusement ravivé le traumatisme de violences sexuelles subies durant son enfance de la part d’un enseignant.
Juliette Binoche était l’invitéé de Mouloud Achour ce mardi soir dans l’émission Clique de CANAL+. Le journaliste est revenu sur le témoignage choc de l’actrice paru dans Libération ce dimanche 28 avril. Dans le sillage de Judith Godrèche devenue une figure de la lutte contre des violences sexuelles dans le cinéma (et bien au-delà), Juliette Binoche, qui a salué la parole «nécessaire et importante» de sa paire lors de la cérémonie des César, s'est exprimée pour dénoncer des faits dont elle a été elle-même la victime ou dont elle a été témoin.
Elle est notamment revenue sur les demandes et agissements choquants qu'elle a subies de la part de réalisateurs - dont des requêtes de nudité à «pratiquement tous les castings». Elle a également confié avoir été témoin du viol d’une figurante sur un tournage du film «Les enfants du siècle», perpétré par un acteur décédé depuis.
Se remémorant le tournage d’une séquence d’un film durant laquelle une main d’un réalisateur ou d’un acteur – elle dit ne pas savoir – est venue toucher son sexe, l’actrice a confié que cela avait réveillé en elle la douleur d’un traumatisme de son enfance. Elle a alors révélé avoir été victime d'attouchements d'un maître d'école quand elle avait sept ans.
"Tu n’aurais pas dû vivre ça"
Juliette Binoche évoque le soutien reçu après son entretien dans Libération, où l’actrice se confie sur les rôles systématiquement sexualisés, les nombreuses scènes de nu ou encore les agressions sur les tournages. pic.twitter.com/K50I00SHfh— CLIQUE (@cliquetv) April 30, 2024
«Christophe Honoré m'a dit quelque chose de simple mais qui m'a vraiment fait du bien. Il m'a dit : 'Mais tu n'aurais pas dû vivre ça'», a-t-elle confié. «C’est ce qu'on pense tous !», a rétorqué immédiatement Mouloud Achour, visiblement très touché par son interlocutrice qui n’a pas pu plus longtemps contenir ses larmes.
Les épreuves qu’elle évoque ont brisé quelque chose en elle, en même temps qu’elles l’ont, dit-elle, rendue «plus humaine». «A la fois, je pense que ça m'a rendue plus forte, parce que ça rend plus courageux. Ça rend plus humain. Quand on vit des souffrances, des douleurs ou des difficultés, ça creuse certainement des failles en soi, parce que ça casse, ça trahit, ça malmène, mais à la fois il y a quelque chose qui fait qu'on sait ce que c'était souffrir. On comprend mieux l'autre, a ensuite commenté Juliette Binoche. Du coup, on est plus à même d'avoir une sorte de porosité, de compassion. Ça permet d'être plus humain, parce qu'on doit casser tellement d'orgueil ou tout ce qui nous rend un peu rigide».
Un appel lancé aux hommes
Sur la possibilité de voir les choses changer avec #MeToo, Juliette Binoche estime que cela sera possible uniquement «si les hommes reconnaissent, parlent, entendent et s’expriment. On attend ces réactions, mais moi je sens que les hommes se serrent les coudes, en se disant : ‘Mais c’est quoi cette histoire, qu’est-ce qu’elles nous veulent, on n’a rien fait de mal…’ Mais reconnaître, en tant qu’homme [qu’il y a des agresseurs et des agressions, NDLR], ça change tout.», a-t-elle déclaré. L’idée n’est cependant pas selon elle que la peur change de camp.
«Je ne l’espère pas, a-t-elle confié, parce que l’idée, ce n’est pas de faire peur, mais de reconnaître la douleur qui a été traversée. C’est important d’être entendu et de l’exprimer.» Avant de souligner : «Si des hommes ou des femmes font mal à d’autres, c’est important qu’il y ait un dialogue qui s’installe, sinon, on reste toujours dans le manque de reconnaissance (…) À partir du moment où on est entendu et écouté, d’abord on existe autrement et la douleur, si elle est entendue, ça fait un peu moins mal déjà.»
A l'heure où la libération de la parole sur les violences sexuelles doit s'ouvrir en grand, celle de l'écoute et les hommes ont un rôle-clé à jouer. Certains l'ont (enfin) compris, en témoigne la tribune de 100 personnalités masculines parue dans Elle ce mardi en soutien au mouvement #MeToo.
L'émission Clique est à revoir en intégralité sur MyCanal.