Accusé de «colères folles» et de propos humiliants, le présentateur de TF1 Denis Brogniart a présenté ses «excuses» aux personnes qu'il a «pu blesser». Insuffisant pour l'ancienne de Téléfoot, Charlotte Namura, victime d’humiliation de la part de l’animateur, et qui a réagi lundi à l’affaire sur Instagram.
Dans une longue enquête publiée par Voici le 27 janvier dernier, plusieurs anciennes collaboratrices de Denis Brogniart ont affirmé avoir vécu des «expériences traumatisantes» dans le cadre de leur travail avec lui.
Face à ces révélations, qu’il n’a pas niées, le célèbre animateur a présenté ses excuses. «Je suis très engagé, perfectionniste et à l’occasion de deux directs sur TF1, où la pression est très intense, j’ai eu des mots qui ont dépassé ma pensée, des propos qui ont heurté certaines personnes et je le regrette», a-t-il reconnu.
«Rien ne justifie mon comportement, qui faisait suite à certaines difficultés. Ces faits isolés ne rendent pas compte des relations privilégiées basées sur le respect et la bienveillance que j’entretiens avec les équipes techniques et rédactionnelles des programmes auxquels je participe depuis 30 ans. Je tiens à présenter mes excuses à celles et ceux que j’ai pu blesser», a-t-il ajouté.
Charlotte Namura, qui travaillait avec lui sur «Le Mag» lors de la Coupe du monde de football en 2018, et qu’il avait traitée devant toutes les équipes de «merde, tout juste bonne à sourire» pendant une coupure pub, n’a pas été satisfaite de ces excuses qu’elle estime «bancales», comme elle l'a fait savoir dans un long message posté ce lundi 30 janvier sur Instagram.
«Tout d’abord suis-je concernée ? Je n’ai rien lu de nominatif... Et si c’est le cas : chouette», a écrit la jeune femme, qui se souvient de Denis Brogniart comme d'une «personne incontrôlable, dont l'énergie animale pétrifie toute une pièce, toute une régie». L'ex-animatrice de Téléfoot estime que ses excuses arrivent très tard : «quatre ans et demi plus tard, par la presse, quand il a le pied qui glisse vers la pente du bad buzz, avec quelques formulations plus que bancales...», déplore-t-elle.
Ne pas accepter «l'inacceptable»
Revenant sur le traumatisme qu’elle a subi, l'ex-animatrice de Téléfoot explique qu’il a été suivi d’une importante prise de conscience : «Cette période a été un point important de ma vie. Pour mon réveil. Ma mission de vie. ‘Toi, Charlotte, tu acceptes ça ?’ Toi dont les parents ont toujours dit : ‘Ne te laisse pas faire ma fille ?’ Et après ça, où sont les limites ?» Si elle assure aujourd'hui être «en paix avec cet incident», elle souhaite alerter la «nouvelle génération». «Quelle que soit votre profession : ne vous laissez jamais humilier. Ce n’est pas normal, ça ne fait pas partie des aléas du métier (...) La société a été en masse habituée à ça pendant des générations, mais ça doit cesser. On n’accepte pas l’inacceptable.»
Elle dénonce «la masculinité toxique» du «monde de la télé», et demande pourquoi aucune mesure n'a été prise avant pour faire cesser ce type de dérapages. «Combien d’animatrices en France ont quitté ce métier soudainement ? Ont eu envie d’échanger brusquement de carrière ? (...) Combien se taisent après avoir vécu l’enfer ? Et que se passe-t-il quand elles parlent ? Qui sont ceux qui protègent ces personnalités ? Et pourquoi ? Où sont les soutiens de nos confrères masculins ? Est-ce une affaire de femmes ? C’est à ce point chacun pour soi ?», s’interroge-t-elle. «J’ai beaucoup de questions qui restent en suspens sur ce système qu’on ne cesse de dénoncer mais qui semble avoir encore de beaux jours devant lui, gangréné par le ’sois belle et tais toi» malgré toute notre bonne volonté».
«Personne n’est 100% gentil ou 100% méchant», concède-t-elle. «La vie est plus complexe et nuancée que ça. Mais je sais reconnaître les frontières de l’irrespect. Et si personne à présent n’a su lui dire : ‘Tu fais de la merde.‘ Alors, ce jour a sonné. Et c’est comme ça qu’on aide quelqu’un à devenir une meilleure personne, et qu’on évite de nouveaux incidents qui ont déjà fait bien trop de dégâts. Et à lui, bon courage pour y faire face, enfin.»
Inaction de la chaîne
Charlotte Namura estime que les dérapages de Denis Brogniart qui ont suivi auraient pu être évités «si quelqu’un l’avait convoqué à mon époque pour lui dire de se détendre et de suivre des soins thérapeutiques». «Je souhaite à ces animateurs pervers narcissiques de se faire accompagner par des spécialistes pour leurs soucis émotionnels et psychologiques, parce c’’est ça aussi être un homme, travailler contamment sur soi, sa sagesse, son humilité. Tout ce qui arrive dans la vie est un enseignement dont on doit tirer des leçons».
Dans les couloirs de la Une, les «colères humiliantes» dont l'animateur de «Koh-Lanta» est «capable» en public, «surtout avec les femmes», étaient déjà connues bien avant la publication de l’enquête de Voici, selon un responsable syndical de TF1 cité par le magazine.
C’est son attitude lors des célébrations du 14 juillet dernier qui a finalement mené à une enquête interne diligentée par la DRH, dont les conclusions «ont pointé un problème d'organisation face à des ambitions éditoriales élevées dans un contexte particulier (incendies dans cette zone), qui a pu engendrer des tensions générales sur le terrain», précise-t-on chez TF1, interrogé par l'AFP.
Envoyé spécial de TF1 à Biscarosse (Landes) pour les célébrations du 14 Juillet, l'animateur avait ce jour-là «hurlé» de manière «terrifiante» sur une journaliste et une chargée de production, selon «un témoin de la scène», a révélé Voici. Le patron de l'information du groupe TF1, Thierry Thuillier, a confirmé, vendredi devant des journalistes, s'être entretenu avec l'animateur pour une mise au point.
Parmi la liste des autres témoignages rapportés par le magazine Voici, figure notamment celui de la journaliste Anne-Laure Bonnet, qui a présenté avec lui «F1 à la Une» entre 2008 et 2009, et qui a affirmé que Denis Brogniart «ne supporte pas la coprésentation et pique des colères folles avec ses subordonnés».
Après la publication de l’enquête de Voici, le collectif «Femmes journalistes de sport» a réagi sur Twitter en apportant «son soutien» aux collaboratrices de Denis Brogniart. «Les responsables des médias doivent impérativement prendre toutes les mesures afin que les violences au travail cessent», poursuit le collectif, qui avait dénoncé en mars 2021 «l'infériorisation des femmes dans les rédactions sportives», dans une tribune signée par 150 journalistes et étudiantes, en parallèle de la diffusion du documentaire de Marie Portolano, «Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste».