Dylan, la fille adoptive de Woody Allen et de Mia Farrow, a accusé samedi le célèbre réalisateur d'avoir commis sur elle des abus sexuels lorsqu'elle était âgé de 7 ans. Une sortie qui ravive une controverse ancienne de plus de vingt ans et que décrypte Laurent Dandrieu.
Auteur d'un monumental Dictionnaire critique du cinéma français (éditions de L'Homme Nouveau), Laurent Dandrieu est un spécialiste de Woody Allen à qui il a consacré un ouvrage : "Woody Allen, portrait d'un antimoderne" (CNRS Editions). Il décrypte pour DirectMatin.fr les accusations de sa fille adoptive Dylan Farrow.
Est-ce que les allégations de Dylan Farrow apportent quelque chose de réellement nouveau après celles de Mia ?
C’est en effet en 1992, au cœur de la séparation très conflictuelle entre Woody et Mia Farrow, après que celle-ci ait découvert sa liaison avec la fille adoptive de Mia, Soon-yi Previn, que surgissent ces accusations. La seule nouveauté aujourd’hui est que Dylan, âgée de 7 ans à l’époque et de 28 aujourd’hui, s’exprime pour la première fois publiquement, en détail, sur sa version des faits, avec la force indéniable de tout témoignage à la première personne. Le contexte a aussi son importance, à un mois des Oscars, pour lesquels Woody est nominé pour le scénario de Blue Jasmine. C’est un sérieux coup de torpille que vient de lui envoyer sa fille.
Woody Allen a nié les faits, il n'a jamais été poursuivi : l'hypothèse d'un acharnement du "clan Farrow" est-elle plausible ?
C’est en tout cas la thèse qu’a toujours soutenue Allen, et les spécialistes notent que ce genre de choses peuvent parfaitement se produire. A l’époque, la justice avait estimé que les allégations de Mia Farrow ne pouvaient être avérées, mais les conditions de cette décision sont contestées par le clan Farrow. Sauf si la justice se penchait à nouveau sur l’affaire et réussissait à trancher entre les deux versions, cela reste parole contre parole. Ce qui explique que – ce que dénonce Dylan Farrow – le milieu du cinéma ne se soit jamais détourné de Woody Allen.
Peut-on tenter d'esquisser quelle vision de la femme porte l'oeuvre d'Allen, d'Anny Hall à Blue Jasmine ?
Vaste question... On peut dire qu’Allen place la femme très haut, jusqu’à y voir la seule preuve possible de l’existence de Dieu, en tout cas la seule raison sérieuse, ici-bas, de ne pas désespérer jusqu’au bout. C’est sur la possibilité pour l’amour de durer qu’il est plus sceptique. Pour lui, l’idéal reste une relation stable et fidèle, mais tout son cinéma constate que c’est de plus en plus difficile, car l’amour est victime de tous les travers de la société moderne : individualisme, psychologisme, consumérisme, romantisme, peur de l’engagement... Cependant le credo d’Allen reste celui de son personnage de Manhattan : « Je ne crois pas aux aventures extraconjugales. Je crois que les gens devraient rester ensemble toute leur vie, comme les pigeons. Ou les catholiques ».
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