Peu présent dans les médias et récompensé pour la première fois aux Victoires, Hubert-Félix Thiéfaine réunit depuis quarante ans un large public d'aficionados séduit par le lyrisme de son univers à la croisée du surréalisme, des poètes de la "beat generation" et du punk.
Le Jurassien a été le grand gagnant de la 27e édition des Victoires samedi, en raflant deux trophées, celui de l'artiste-interprète masculin et celui de l'album de chansons pour "Suppléments de mensonge" (Columbia/Sony).
Cette première -- malgré 16 albums studios et une influence revendiquée par nombre de jeunes artistes -- est à l'image d'une figure du rock indépendant qui a construit sa carrière à l'écart du star-system.
Absent des télés, peu diffusé en radio, peu connu du grand public, "HFT" est cependant capable de remplir les plus grandes salles à chacune de ses prestations.
Pour son "Homo plebis, ultimae tour", également nommé dans la catégorie tournée de l'année, il a rempli des Zénith partout en France et les 15.000 places de Paris-Bercy.
Son dernier album "Suppléments de mensonge" s'est vendu à 120.000 exemplaires. Un chiffre de vente substantiel, dont il est coutumier.
Né à Dôle le 21 juillet 1948, Hubert-Félix Thiéfaine a découvert à l'adolescence les poètes surréalistes et situationnistes qui marqueront à jamais son écriture.
Envoyé en pension dans un collège catholique, il commence à écrire ses premières chansons, à monter ses premiers groupes.
Après un passage à la fac en droit et psychologie, HFT mène sac au dos une "première offensive" sur Paris à l'âge de 23 ans.
Il écrit des romans, des pièces, des chansons, présente un premier spectacle "Comme un chien dans un cimetière" (1973), fait ses débuts sur scène accompagné du groupe folk-punk Machin.
Boudé par les maisons de disques, Thiéfaine parvient quand même à convaincre le label Sterne de publier son premier album "Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir" (1978).
Le titre résume l'univers lyrique et imaginatif, mélange de surréalisme et de jeux de mots de cet autodidacte du verbe, dont les thèmes de prédilection sont la folie, la critique de la société et la mort.
L'album comporte l'un des "tubes" de Thiéfaine, "La fille du coupeur de joints", repris en choeur par des générations d'adolescents.
Suivront entre autres "Autorisation de délirer" (en 1978 toujours), "Soleil cherche futur" (1982, où figure une autre de ses chansons les plus célèbres "Lorelei Sebasto Cha"), "Eros uber Alles" (1988), "Chroniques bluesymentales" (1990)...
"Suppléments de mensonge", son 16e album studio publié en 2011, est né d'une envie de "se faire du bien", confiait Hubert-Félix Thiéfaine à l'AFP à sa sortie.
Le musicien venait de sortir d'une mauvaise passe marquée par trois mois et demi d'hospitalisation et une longue convalescence, consécutifs à un gros coup de fatigue, un "burn-out" selon ses mots, à l'été 2008.
"J'ai eu la tête occupée par des idées noires pendant 40 ans, alors quand on m'a enlevé ça, tout à coup, je me suis mis à avoir de la place", expliquait-il.
"Je ne me suis pas dit soudain +C'est beau la vie+, mais il y a de la place pour une certaine forme de confort mental", ajoutait le chanteur qui, dans les remerciements de l'album, cite plusieurs services hospitaliers pour ne pas oublier "ceux qui (l)'ont remis debout".