La nouvelle initiative de la Ligue arabe appelant à la création d'une force de paix conjointe avec l'ONU en Syrie est promise à l'échec, mais elle permettra de faire pression et d'isoler un peu plus le régime de Damas, selon des analystes.
"La portée politique de l'initiative arabe est énorme", estime Rami Khouri, à la tête de l'institut Issam Fares de l'université américaine de Beyrouth. Mais "les résultats sur le terrain tarderont beaucoup plus à se faire sentir", précise-t-il.
"Ce qui est important, c'est que la Ligue arabe invoque la légitimité des Nations Unies et de tous les pays qui essayent de trouver une solution pacifique pour un changement politique en Syrie", ajoute-t-il.
L'organisation panarabe a décidé dimanche d'apporter son soutien financier et politique à l'opposition au régime du président syrien Bachar al-Assad, appelé à la formation d'une force de maintien de la paix conjointe avec les Nations unies et incité ses membres à rompre leurs relations diplomatiques avec Damas.
La Russie a assuré lundi étudier ce plan mais a jugé qu'un cessez-le-feu devait entrer en vigueur avant le déploiement d'éventuels soldats de la paix.
Le plan arabe est le dernier effort lancé sur le plan diplomatique pour mettre un terme à 11 mois de violences meurtrières en Syrie, qui ont fait, selon des militants, plus de 6.000 morts.
Pour les analystes, cette nouvelle initiative arabe devrait connaître le même sort que deux projets de résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU torpillés par les veto de Moscou et Pékin, deux alliés de poids de Damas.
"La Ligue arabe se contredit en demandant l'envoi de troupes de maintien de la paix en Syrie -- ce qui requiert l'accord du pays hôte -- et en appelant dans le même temps à rompre toute coopération diplomatique avec Damas", note Yezid Sayigh, chercheur de la fondation Carnegie pour le Moyen-Orient à Beyrouth.
"Cet appel augmente radicalement la pression mais il pourrait avoir un effet contre-productif en soulignant à quel point les pays membres de la Ligue arabe sont à court de véritables options à même de changer la donne", poursuit-il.
D'autres analystes soulèvent la difficulté de trouver des pays désireux d'envoyer des soldats, en cas d'un hypothétique vote au Conseil de sécurité.
"Je crains qu'il ne soit très difficile de trouver des Etats membres prêts à envoyer des troupes pour une opération de ce type", affirme à l'AFP Salman Shaikh, directeur du centre Brookings de Doha.
"Il va falloir redoubler d'effort pour parvenir au moins à un cessez-le-feu avant de se doter d'une force mixte", ajoute-t-il.
Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a indiqué lundi qu'il allait discuter avec ses partenaires de cette proposition, ajoutant que les Occidentaux ne devraient pas y participer.
"Je ne crois pas qu'avoir des bottes occidentales sur le terrain, quelle qu'en soit la forme, soit le chemin à suivre en Syrie", a-t-il déclaré lors d'une visite en Afrique du Sud.
Quant aux appels à armer l'opposition, qui se multiplient, ils pourraient également être contre-productifs et même aggraver la situation, jugent les analystes.
"Armer et militariser le soulèvement en Syrie conduirait à plus de fragmentation, car l'enjeu serait plus important", affirme M. Sayigh. "Les différentes parties vont devoir s'imposer en privilégiant les armes" aux dépens du dialogue.
En l'absence de solution rapide à la crise, la voie diplomatique, pourrait être la seule issue, selon lui.
"Et cela signifie inévitablement une forme de discussion avec le régime, à travers les Russes, avec les Russes ou sans eux", conclut-il.