Le ministère italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, a annoncé samedi l'envoi de policiers italiens pour patrouiller à la frontière française afin d'empêcher les refoulements de migrants, après s'être insurgé contre un épisode vendredi à Clavière, pourtant qualifié de normal par la France.
«L'énième abus des autorités françaises, qui ont aussi profité de la bonne foi de notre police, aura des conséquences : des voitures de patrouille ont été envoyées à Clavière pour contrôler et garder la frontière», a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.
Son annonce s'accompagne de photos montrant des policiers italiens montant la garde à l'endroit même où une voiture de police française a déposé trois migrants vendredi matin.
M. Salvini (extrême droite) avait diffusé vendredi soir une vidéo filmée par un habitant de Clavière, agrémentée d'une musique dramatique, montrant la voiture de la police française déposer les migrants côté italien et repartir vers la France, à une vingtaine de mètres de là.
«Sans explications rapides, complètes et convaincantes, nous nous trouverons face à une provocation et à un acte hostile», avait-il commenté.
Dans la soirée, la préfecture des Hautes-Alpes, du côté français, avait fait valoir dans un communiqué qu'il s'agissait d'«une procédure de non-admission à la frontière en tous points conforme à la pratique agréée entre la police française et la police italienne ainsi qu'au droit européen».
Selon la préfecture, les trois personnes avaient été refusées faute de documents valables au point de passage de Montgenèvre, 500 mètres plus loin, et le commissariat de Bardonnecchia, le plus proche, avait été informé.
Selon M. Salvini, le commissariat a bien été informé vendredi matin, mais 20 minutes après le moment où la vidéo a été tournée.
«Et ce n'est pas tout. Il n'y a pas d'accord bilatéral Italie-France, écrit et officiel, qui permette ce type d'opération. Si (le président français Emmanuel) Macron parle de "pratique habituelle", c'est le gouvernement qui nous a précédé qui doit en répondre», a dénoncé le ministre italien.
«Maintenant les temps ont changé et nous n'acceptons pas que des étrangers arrêtés en territoire français soient amenés en Italie sans que nos forces de l'ordre puis vérifier leur identité», a-t-il ajouté.
Chaque année, des milliers de migrants cherchant à passer en France sont interceptés et reconduits à la frontière italienne. L'AFP a constaté l'hiver dernier que nombre d'entre eux étaient déposés directement par la police française devant la gare de Bardonecchia.
Ces refoulements sont une procédure distincte des centaines de demandeurs d'asile que la France renvoie chaque année en Italie en application des accords de Dublin, qui obligent à déposer sa demande d'asile dans le premier pays européen traversé.
En début de semaine, M. Salvini avait déjà dénoncé «une offense sans précédent» après une incursion de la gendarmerie française pour déposer des migrants dans une zone boisée près de Clavière.
Dans ce cas, la France avait reconnu «une erreur» en expliquant que ces gendarmes ne connaissaient pas bien la région, mais un porte-parole du président Emmanuel Macron avait aussi dénoncé une «instrumentalisation politique» menée par M. Salvini.
Les relations entre Rome et Paris se sont tendues ces derniers mois. L'Italie accuse ses partenaires européens, à commencer par la France, de l'avoir laissée seule gérer la crise migratoire et les quelque 700.000 migrants arrivés sur ses côtes depuis 2013.