Aux cris de "zéro sur le carreau" ou "Pinault voyou", plusieurs centaines de salariés de La Redoute ont défilé jeudi à Paris jusqu'au siège de leur maison mère Kering pour défendre leur sort dans la cession annoncée, mais sans espoir de rencontrer le PDG François-Henri Pinault.
Environ 400 salariés des sites de Roubaix et Wattrelos, dans le Nord, avaient fait le déplacement en car, à l'appel de l'intersyndicale CGT-CFDT-SUD-CFE/CGC. Craignant la suppression d'au moins 700 emplois, ils étaient 1.200 à Lille le 7 novembre.
Le cortège, parti de la place de Clichy, est arrivé vers 14H00 devant le siège de Kering, un élégant immeuble situé avenue Hoche (VIIIe arrondissement), au son des sifflets et des slogans: "zéro, zéro sur le carreau", "Dix ans de garantie" ou encore "Pinault, voyou, La Redoute est à nous".
"Quand Pinault (François, père de François-Henri, ndlr) nous a rachetés, La Redoute était un fleuron. Qu'est ce qu'il a fait pendant 20 ans sinon siphonner l'argent des caisses de La Redoute pour se développer dans le luxe", a déclaré à l'AFP Fabrice Peeters (CGT).
Les salariés "demandent zéro licenciement subi", a-t-il ajouté, estimant que le groupe "a les moyens de payer des pré-retraites et d'apporter des garanties de salaires à ceux qui restent".
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L'intersyndicale espérait rencontrer François-Henri Pinault. Toutefois, la direction a fait savoir qu'il était en déplacement à l'étranger.
Une délégation a été finalement reçue dans l'après-midi par le directeur financier et la directrice des ressources humaines.
"On repart avec encore plus de questions", estimait à l'issue de l'entrevue M. Peeters. "Ils nous ont dit que c'était compliqué de faire accepter des garanties au repreneur. C'est du discours, ils doivent passer aux actes, les salariés attendent", a relaté Jean-Claude Blanquart (CFDT).
Celui-ci a préparé jeudi les troupes à un long combat: "Il va falloir beaucoup de manifestations", leur a-t-il dit.
De son côté, la direction a assuré que "Kering entendait assumer pleinement sa responsabilité sociale vis-à-vis de La Redoute".
A l'instar de Malika Mejdoub, depuis 22 ans dans la société, les salariés, motivés, ne cachaient pas leur inquiétude. Son avenir, la préparatrice de colis le voit "mal".
"La Redoute, c'était une deuxième famille"
Beaucoup ont la cinquantaine: "Lorsque vous êtes licenciés à cet âge-là dans le bassin de Roubaix, c'est impossible de retrouver du travail", explique Alain Dieudonné (CFE-CGC).
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La Redoute, "c'était comme une deuxième famille. On avait une famille, et on avait La Redoute", confie Patricia Leveugle, 57 ans. Après 40 ans dans l'entreprise, où elle a gravi les échelons, elle a le sentiment de "ne plus rien valoir".
Les salariés du Nord ont été rejoints par ceux du théâtre Marigny, appartenant à Artémis, la holding de la famille Pinault qui contrôle Kering et où un plan social est engagé. Le visage couvert d'un masque blanc, ils étaient une dizaine à se dire "abandonnés".
En juin, certains salariés du théâtre situé sur les Champs-Elysées se sont vu proposer "un reclassement à La Redoute ou encore d'aller faire les vendanges dans les châteaux de Pinault", selon Brigitte Robert, chef habilleuse depuis 36 ans.
Dans le cortège défilaient également des salariés de la société Relais Colis, eux aussi inquiets.
Mardi, une réunion à Roubaix entre syndicats et direction n'a pas adouci les ardeurs des représentants des salariés de La Redoute.
Il s'agissait pour Kering de poursuivre les discussions sur les mesures sociales dans le cadre de la modernisation de la société de vente par correspondance et de la cession en cours, ainsi que sur les garanties d'accompagnement et de reclassement.
Lors de cette réunion, il a été annoncé aux syndicats qu'un troisième repreneur intéressé s'était fait connaître tardivement. Le nom du repreneur devrait être connu avant la fin de l'année.
Passé dans le giron de PPR (aujourd'hui Kering) en 1994, la Redoute a déjà connu plusieurs restructurations: de plus de 5.000 salariés au milieu des années 2000, la société n'en compte plus aujourd'hui que 2.400 à 2.600 en France, selon les sources, et environ 900 à l'étranger.