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Emmanuel Macron au Maroc : Immigration, Sahara occidental, présence de Yassine Belattar... Ce qu'il faut retenir de la visite du chef de l'Etat

Emmanuel Macron a déjà retourné l'invitation au roi Mohammed VI, convié pour une visite d'Etat en France dans un an. [Moroccan News Agency/Handout via REUTERS]

La visite d'Etat d'Emmanuel Macron au Maroc a pris fin ce mercredi 30 octobre. Ces trois jours ont été marqués par les discussions sur l'immigration et le Sahara occidental, par le renforcement du partenariat entre Paris et Rabat et la polémique autour de la présence de Yassine Belattar.

Présentée comme une démarche de réconciliation, la visite d'Etat d'Emmanuel Macron au Maroc semble avoir tenu ses promesses. Après trois jours d'échanges et de rencontres, l'heure est à l'apaisement entre les deux pays qui veulent «écrire un nouveau livre ensemble pour répondre aux défis du XXIe siècle».

Les principaux points de crispation qui avaient terni les relations diplomatiques entre la France et le Maroc ces dernières années ont été aplanis, à l'image de la question migratoire ou du statut du Sahara occidental. Des partenariats ont été noués, des accords signés et Emmanuel Macron a déjà retourné l'invitation au roi Mohammed VI.

Ce dernier a été convié à une visite d'Etat en France dans un an, pour signer un nouveau «cadre stratégique» à l'occasion du 70e anniversaire de la Déclaration qui scella l'indépendance du Maroc de la France, à la Celle-Saint-Cloud le 6 novembre 1955.

La question migratoire

Décrite comme une «attente forte en France», la lutte contre l'immigration illégale était l'un des points importants de cette visite d'Etat. Dans son discours devant le Parlement marocain à Rabat, mardi, Emmanuel Macron a appelé à une «coopération naturelle et fluide» sur le sujet, mais aussi à «davantage de résultats».

Les «réadmissions des ressortissants marocains en situation irrégulière» étaient au coeur des discussions puisque, faute notamment de laissez-passer consulaires délivrés par Rabat, la France ne parvient pas toujours à les expulser lorsqu'elle le souhaite.

En 2021-2022, Paris avait décidé de diviser par deux le nombre de visas accordés aux Marocains pour pousser Rabat à reprendre plus de ses ressortissants expulsés. Un choix qui avait été très mal accueilli par le Maroc.

Cette visite d'Etat a permis de rétablir le dialogue à ce sujet puisque les ministres de l'Intérieur des deux pays, Bruno Retailleau et Abdelouafi Laftit, ont échangé ensemble mardi. Devant la presse, le ministre français a par la suite souligné leur volonté commune d'agir sur les procédures «d'identification pour les personnes dont l'origine n'est pas documentée», afin de «raccourcir les délais» et «mieux faire en termes de nombre de personnes réadmises».

Sans faire d'annonce concrète, son homologue marocain a confirmé que la question ferait l'objet d'«une attention toute particulière de la part des deux parties dans un cadre de responsabilités communes».

Au terme de sa visite, ce mercredi, Emmanuel Macron a fait part de la volonté de la France et du Maroc d'installer un «partenariat renforcé» afin de lutter ensemble «contre toutes les formes de trafics, lutter contre l'immigration clandestine et les filières qui l'exploitent, lutter contre la criminalité organisée, lutter contre le narcotrafic parce qu'il affaiblit les deux rives de la Méditerranée, parce qu'il sape la confiance dans nos deux pays».

Un invité polémique

Pour cette visite d'Etat, Emmanuel Macron était accompagné d'une délégation éclectique de 130 personnes issues du monde politique, économique ou culturel. La présence de Yassine Belattar, invité lundi à la cérémonie d'accueil du chef de l'Etat à Rabat, a créé la polémique.

Le nom de cet humoriste Franco-Marocain ne figurait pas sur la première version de la liste des invités, qui a été actualisée tard dans la soirée de lundi pour l'y ajouter. Yassine Belattar est depuis longtemps critiqué par la droite et l'extrême droite, qui l'accusent de proximité avec l'islamisme.

Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a notamment réagi à sa présence au Maroc, le décrivant comme un «prétendu humoriste, condamné pour menaces de mort, proche des antisémites du CCIF», le Collectif contre l'islamophobie en France.

En-dehors de son statut d'humoriste, Yassine Belattar s'est fait connaître en 2018, à travers ses prises de parole sur les banlieues. Emmanuel Macron l'avait alors nommé au Conseil présidentiel des villes, créé pour alimenter la réflexion de l'exécutif sur les quartiers prioritaires.

Plus tard, en septembre 2023, l'humoriste a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour menaces de mort et de crime visant plusieurs personnalités du monde du spectacle.

Yassine Belattar s'est également trouvé au coeur d'une polémique en novembre 2023, lorsqu'il a été reçu par des conseillers d'Emmanuel Macron après l'attaque du 7-Octobre menée par le Hamas en Israël. Cette invitation était intervenue peu avant la grande marche contre l'antisémitisme en France, à laquelle le chef de l'Etat avait décidé de ne pas participer.

Pour justifier la présence de l'humoriste au sein de la délégation française lors de cette visite d'Etat au Maroc, l'entourage du président a fait valoir qu'il s'agissait d'une «personnalité franco-marocaine». Avant d'insister sur le fait que son invitation ne valait «en aucun cas adhésion à ses idées».

Le Sahara occidental

Ex-colonie espagnole, ce territoire, en majeure partie contrôlé par le Maroc, reste disputé. Il est revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l'Algérie et qui réclament un référendum d'autodétermination jamais organisé après avoir été prévu lors d'un cessez-le-feu en 1991.

Jusqu'ici, la souveraineté marocaine du Sahara occidental était reconnue par les Etats-Unis, l'Allemagne ou encore l'Espagne... mais pas par la France, ce qui suscitait de l'amertume au Maroc. Dans une lettre adressée au roi Mohamed VI en juillet, Emmanuel Macron avait enfin apporté son appui au plan d'autonomie marocain pour ce territoire, le décrivant comme «la seule base» permettant de résoudre un conflit vieux de près de 50 ans.

Très attendu sur ce point lors de sa visite d'Etat, le président français a été généreusement applaudi mardi quand, lors de son discours face au Parlement marocain, il a réaffirmé que «le présent et l'avenir» du Sahara occidental «s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine».

Cette prise de position a été vivement critiquée par la presse algérienne, qui accuse Emmanuel Macron de «bafouer le droit international». Selon le quotidien francophone El Watan, le président français prend le «risque de sectionner définitivement le fil d'Ariane qui le retient encore à Alger», mais aussi de provoquer «une profonde crise entre les deux pays».

En guise de réponse, le chef d'Etat a assuré que «cette position n'est hostile à personne». Elle est toutefois ferme puisqu'au-delà du soutien apporté au plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental, la France s'est aussi dite prête à «accompagner le développement de ces territoires au travers d'investissements, d'initiatives durables et solidaires au bénéfice des populations locales».

Plusieurs entreprises françaises, dont Engie et MGH Energy, ont signé des accords visant à la production d'énergies vertes et e-carburants depuis le Sahara occidental, un eldorado comme le reste du Maroc pour les renouvelables avec son ensoleillement et son exposition au vent très favorables.

Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a même annoncé une «actualisation» de la carte du Maroc et du Sahara occidental disponible sur le site du ministère, afin de faire apparaître cette nouvelle donne.

40 accords et partenariats signés

Au cours de ces trois jours, des contrats et accords d'investissements ont été conclus pour un montant global de «plus de dix milliards d'euros», selon l'Elysée. Pas moins de 40 accords ont été signés lundi et mardi et bon nombre d'entre eux font la part belle à l'énergie.

Parmi les principales annonces figure la réalisation du second tronçon de la ligne de train à grande vitesse entre Tanger et Marrakech, à laquelle participera le groupe Egis mais aussi Alstom.

L'équipementier aéronautique Safran va installer à Casablanca un site de maintenance et de réparation de son moteur vedette LEAP et le transporteur maritime CMA CGM coexploitera le terminal portuaire de «Nador West Med», dans le nord du Maroc.

Suez construira et exploitera deux centres de traitement des déchets tandis que Veolia a signé un protocole d'accord pour un projet de dessalement d'eau de mer, présenté par le groupe comme le plus grand d'Afrique et le deuxième plus grand au monde.

TotalEnergies a de son côté signé un «contrat préliminaire de réservation du foncier» avec le Maroc afin de développer un projet de production d'hydrogène vert et Engie s'est engagé dans le développement de quatre projets liés aux énergies renouvelables et à l'ammoniac vert.

Selon un document transmis par l'Elysée, EDF a également conclu un partenariat avec l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (Onee) pour «poursuivre le développement des capacités de production d'énergie éolienne au Maroc», tandis qu'Hydrogène de France (HDF) a postulé à un appel d'offres lancé par Rabat pour les énergies renouvelables.

Enfin, l'opérateur marocain Panafsat et Thales Alenia Space ont annoncé un accord pour fournir une connexion internet haut-débit par satellite à 26 pays africains. La coentreprise du français Thales et de l'italien Leonardo fabriquera «un satellite» pour le projet.

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