Trois jours après l’attentat qui a visé la salle de concert du Crocus City Hall près de Moscou, faisant plus de 130 morts, le président russe Vladimir Poutine refuse toujours ce lundi 25 mars de mentionner la revendication de l’attaque par Daesh. Au contraire c’est bel et bien la piste ukrainienne qui est mise en avant.
Une piste qui semble peu probable. Le Kremlin a refusé ce lundi de commenter la revendication du groupe jihadiste Daesh de l'attentat près de Moscou, qui a fait 137 morts, tant que l'enquête est en cours, alors que les recherches dans les décombres continuent.
Ce week-end, le président russe et ses puissants services de sécurité, le FSB, n'avaient pas non plus mentionné l'implication jihadiste, évoquant de concert une piste ukrainienne vigoureusement démentie par Kiev et les Occidentaux.
Une volonté de «capitaliser» l’attentat
D'après Adel Bakawan, sociologue, fondateur directeur du Centre Français de Recherche sur l'Irak, Vladimir Poutine n'aurait «aucun intérêt» à parler de la revendication de l'attentat par Daesh.
«Avec l’attentat de Moscou, vous êtes devant un événement majeur, planétaire. Quel intérêt pour la Russie d’admettre que c’est Daesh ? Comment capitaliser un événement aussi tragique ? En revanche, lorsque le président de la Russie accuse l’Ukraine, soutenue par la communauté internationale, là il peut marquer des points. Il peut augmenter la gravité de la menace qui pèse sur la guerre en Ukraine et intensifier la figure de "l’ennemi". La Russie ici se place au centre du rapport de force», a estimé l'expert du Moyen-Orient auprès de CNEWS.
Et pour cause, dès le lendemain de l'attaque terroriste en Russie, le Kremlin n'a pas tardé à lancer de multiples attaques aériennes en Ukraine. Un missile de croisière russe a également survolé brièvement la Pologne ce dimanche. Certains experts craignent notamment que Vladimir Poutine ne se serve de cet attentat tragique pour accuser l'Ukraine et augmenter les frappes meurtrières.
Autre élément avancé par Adel Bakawam, Vladimir Poutine ne peut pas reconnaître le rôle de Daesh dans cette attaque terroriste. «Vladimir Poutine a remporté l’élection présidentielle pour un cinquième mandat. On est encore dans l’ivresse de cette victoire en Russie, avec un pourcentage de vote de plus de 87%. Daesh a ainsi saisi cette occasion, cette faille sécuritaire», a affirmé le sociologue.
Ce serait donc un aveu de faiblesse pour le président de la Russie, que de reconnaître qu'il y a eu une telle faiblesse dans sa politique, alors même qu'il se doit d'incarner la force, celui qui lutte contre «l'ennemi» qu'est l'Ukraine.
Un manque de cohérence
Depuis l'arrestation des quatre suspects présumés de l'attaque terroriste, de nombreuses vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux depuis Telegram, aussi diffusées par certaines chaînes de télévision russes. La piste ukrainienne a ainsi très rapidement émergé parmi même les députés de la Douma.
La première hypothèse était que les présumés terroristes ont été envoyés par des commanditaires ukrainiens. Certaines vidéos montrent ainsi les différents interrogatoires qui ont été menés par les autorités russes, deux des quatres personnes affirmant avoir été contactées par une source anonyme, les rémunérant pour commettre des atrocités sur le sol Russe. Meduza, un média indépendant russe a décrypté les échanges, indiquant que l'Ukraine n'a jamais été mentionnée durant ces échanges.
Du côté du profil des potentiels assaillants, plusieurs identités ont été partagées sur les réseaux sociaux. Celui considéré comme le «cerveau» de l'attentat, Dalerjon Mirzoev, un homme originaire du Tadjikistan et âgé de 32 ans a été confondu avec un autre homme, Rustam Azhiev - également appelé Abdul Hakim al-Shishani -, un militant tchétchène combattant aux côtés des ukrainiens depuis octobre 2022. Une information erronée partagée par certains médias russe, pour promouvoir la piste ukrainienne plus largement.
Si l'enquête est encore en cours, le gouvernement américain a affirmé dimanche qu'il n'y avait «aucune implication ukrainienne» dans le massacre au Crocus City Hall à Moscou. Il n'y a «aucune preuve» selon laquelle l'Ukraine est impliquée dans le massacre qui a fait au moins 137 morts et «Daesh est responsable», a rétorqué la vice-présidente américaine Kamala Harris lors d'un entretien télévisé dimanche.