Aux États-Unis, l’Alabama est depuis plusieurs semaines au cœur d’une bataille juridique et de débats autour de la fécondation in vitro (FIV), après que la Cour suprême de cet État a dit considérer les embryons congelés comme des «enfants».
Depuis près de deux ans, les droits reproductifs des femmes sont régulièrement remis en cause aux États-Unis. En juin 2022, la Cour suprême abrogeait le droit fédéral à l’avortement, et depuis, de nombreux États conservateurs tentent de serrer toujours un peu plus la vis, en durcissant les conditions d’accès à l’avortement (si ce n’est les interdire complètement), ou la pilule abortive.
Depuis plusieurs semaines, la fécondation in vitro (FIV), technique de procréation médicalement assistée, qui reproduit en laboratoire ce qui se déroule naturellement dans les trompes utérines, est dans le viseur de la Cour suprême de l’État de l’Alabama, si bien que des élus locaux ont été obligés d’adopter une loi, qui a été promulguée ce mercredi 6 mars, pour protéger l’accès aux FIV.
Tout a commencé par une action en justice lancée par trois couples de cet État du sud-est du pays, dont les embryons ont été perdus par une clinique pratiquant les FIV, en 2020. Selon la BBC, une patiente s’était promenée dans la zone où les embryons congelés étaient conservés, en avait manipulé certains et avait accidentellement fait tomber les tubes, ce qui a détruit les embryons.
Des embryons considérés comme des enfants
Les couples concernés par la perte de ces embryons ont donc poursuivi la clinique en vertu de la loi de l’État de l’Alabama sur le «décès injustifié d’un mineur», qui couvre généralement les fœtus. Une cour inférieure avait alors jugé que les embryons ne pouvaient pas être considérés comme des enfants, et que des poursuites ne pouvaient être engagées.
C’était sans compter sur la Cour suprême de l’Alabama, qui dans un arrêt rendu en février dernier, s’est rangée du côté des couples lésées, et a décidé que les embryons congelés devaient être considérés «comme des enfants». La loi sur la mort injustifiée s'applique à «tous les enfants à naître, quel que soit l'endroit où ils se trouvent», selon la décision de justice. Le président de la Cour suprême de l’Alabama, Tom Parker, avait écrit : «Même avant la naissance, tous les êtres humains sont à l'image de Dieu, et leur vie ne peut être détruite sans effacer sa gloire».
Dans la foulée, plusieurs cliniques pratiquant des FIV ont donc suspendu leurs activités en Alabama.
Cette décision a été saluée par les militants anti-avortement, mais a également été décriée par une grande partie de la classe politique, y compris chez les plus conservateurs. En effet, Donald Trump lui-même, qui n’est pourtant pas connu pour ses opinions progressistes et qui reste très opposé à l’avortement, s’est déclaré en désaccord avec la décision de la Cour suprême de l’Alabama. «Comme l'écrasante majorité des Américains, y compris la vaste majorité des républicains (...), je soutiens fortement l'accès aux FIV pour les couples qui essaient d'avoir un précieux bébé», avait-il notamment déclaré dans un message sur son réseau Truth Social.
Une loi pour protéger les FIV
Le président Joe Biden avait également jugé cette décision «scandaleuse». «Soyons clairs : chaque femme dans ce pays devrait avoir la liberté de décider d'avoir un enfant, et environ une Américaine sur cinq est confrontée à l'infertilité et beaucoup ont recours à la FIV. Il s'agit d'une question fondamentale de liberté de reproduction», avait déclaré Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison blanche, après l’éclatement du scandale.
Face au tollé provoqué par cet arrêt, à la colère de la sphère politique et associative, des élus de l’Alabama se sont donc mobilisés pour protéger l’accès à la FIV. Le 1er mars dernier, les élus de l’Alabama ont adopté des propositions de loi accordant «une immunité civile et pénale en cas de décès ou de dommages causés à un embryon à toute personne ou entité lors de la fourniture ou de la réception de biens ou de services liés à la fécondation in vitro».
Cette loi a été promulguée ce mercredi 6 mars par la gouverneure de l’Alabama, Kay Ivey. «Je suis heureuse de signer cette importante mesure à court terme afin que les couples de l'Alabama qui espèrent et prient pour devenir parents puissent agrandir leur famille grâce à la FIV. La FIV est une question complexe, sans aucun doute, et je sais qu'il y aura encore du travail à faire, mais pour l'instant, je suis convaincue que cette législation fournira les garanties dont nos cliniques de FIV ont besoin et qu'elle les amènera à reprendre leurs services immédiatement.», a-t-elle déclaré dans un communiqué publié sur X annonçant sa signature de la loi.