Des agences de mannequins recruteraient des femmes dans un camp de réfugiés, au Kenya, en leur promettant un avenir brillant. Mais une fois les installations de la Fashion Week remballées, elles auraient été renvoyées dans leur pays d’origine.
L’industrie de la mode fait face à une nouvelle polémique. Dimanche 8 octobre, le Sunday Times a publié une enquête qui révélait que la célèbre agence de mannequins, Select Model, recrutait des réfugiés dans le camp de Kakuma, dans le comté de Turkana, au Kenya. Selon l’investigation, des «scouts», dont le métier est de dénicher les visages de demain, se seraient rendus dans le camp de réfugié avec l’objectif de trouver la prochaine Caren Jepkemei, top model kenyane omniprésente sur les podiums.
Ils n’hésitaient pas à promettre aux profils qu’ils repéraient un avenir sous les feux des projecteurs européens. Mais après quelques catwalks foulés pendant la Fashion Week, de nombreuses femmes, souvent originaires du sud du Soudan, étaient renvoyées chez elles si elles ne convenaient plus.
Le témoignage d’une dizaine de femmes
Achol Malual Jau, âgée de 23 ans, a expliqué à nos confrères américains avoir été détectée par une agence en février 2023. Après «cinq mois merveilleux en Europe à défiler», la jeune femme a été renvoyée au Kenya, sans un sou. Si elle a défilé à Londres pendant la Fashion Week, la top-modèle n’a «pas su convaincre les clients» de Select Model, et a été priée de quitter l’Europe.
«J’ai travaillé dur, mais je suis revenue sans argent», a confié le mannequin. En plus de ne pas avoir été payée, les frais dépensés sur place lui ont été demandés par l’agence. Achol Malual Jau aurait une dette de près de 3.000 euros.
Elles sont une dizaine de mannequins sud-soudanais à témoigner dans l’enquête du Sunday Times. Une autre réfugiée du camp de Kakuma a raconté anonymement qu’après avoir signé un contrat, elle avait été envoyée à Paris pour défiler. 17 jours plus tard, la jeune femme a été renvoyée au Kenya avec 2.000 euros à rembourser à son agence.
Quand la fast-fashion ne concerne plus uniquement les vêtements
Les entreprises concernées par cette enquête ont la réputation de surfer sur les illusions des réfugiés. Elles profiteraient du fait que certaines recrues ne parlent que très peu anglais, pour omettre des informations aux principaux concernés.
Mari Malec est mannequin et ancienne réfugiée sud-soudanaise qui a créé une plate-forme de soutien pour les modèles réfugiés. Selon elle, les mannequins sud-soudanaises sont des «It girl», une tendance vouée à disparaître.
«Je pense que cela est dû au fait que la demande pour la diversité et l’inclusion dans l’industrie de la mode a fait grimper en flèche la demande des gens qui réclament plus de représentations», a-t-elle confié à nos confrères américains.
Select Models contre-attaque
Peu après la publication de l’enquête du Sunday Times, l’agence de mannequins la plus concernée par la polémique ne s’est pas fait attendre pour répondre.
«C’est notre rôle d’aider nos modèles et de les protéger comme des membres de notre propre famille. Elles ne réussissent pas toutes dans l’industrie. Mais succès ou non, on prend soin de tous nos modèles. Nous n’avons jamais fait quelque pression que ce soit pour un remboursement des dépenses engagées ou avancées aux modèles. Si elles ne sont pas satisfaites, elles ont toujours été libres d’être représentées par une autre agence», avancent les responsables.
Questionnées, les maisons de mode ont expliqué qu'elles ne savaient pas d'où provenaient les mannequins qu'elles engageaient, ni ce qu'elles devenaient après un casting ou une séance photo.