Face à la hausse de l’activité du volcan Popocatepetl, situé à 70km au sud-est de Mexico, les autorités locales ont relevé le niveau d’alerte le dimanche 21 mai. Robin Campion, chercheur au département de Vulcanologie de l’Université Nationale Autonome de Mexico (UNAM), détaille les risques pour l’Homme et la biodiversité d’une possible éruption.
Un volcan dangereux en raison de sa taille et de sa localisation. Face à la hausse de l’activité du volcan Popocatepetl, situé à 70km au sud-est de Mexico, les autorités locales ont relevé le niveau d’alerte le dimanche 21 mai. Cette dernière a été réhaussée en phase 3 du niveau jaune, juste en-dessous du seuil de danger maximal. Il a été conseillé aux locaux de ne pas s’approcher à moins de 12km du cratère de ce volcan culminant à 5.452 mètres d’altitude.
Pendant la nuit du vendredi 26 au samedi 27 mai, des tremblements de faible amplitude ont été enregistrés et des fragments incandescents ont été éjectés à de courtes distances du cratère, selon un bilan des autorités locales.
Volcán #Popocatépetl
Durante la noche persistió el registro de tremor de baja amplitud y en ocasiones fueron expulsados fragmentos incandescentes a cortas distancias del cráter.
Radio de exclusión 12 km
#AmarilloFase3 @laualzua pic.twitter.com/bHXlSexd44— Coordinación Nacional de Protección Civil (@CNPC_MX) May 27, 2023
Robin Campion, chercheur au département de Vulcanologie de l’Université Nationale Autonome de Mexico (UNAM), détaille pour CNEWS les risques pour l’Homme et la biodiversité d’une possible éruption. Il explique également les divers moyens mis en œuvre pour prévenir une éventuelle éruption et protéger les populations locales.
Faut-il craindre une éruption prochaine du volcan Popocatepetl, une semaine après que ce dernier a montré une activité inquiétante et que le niveau d’alerte a été relevé ?
Maintenant, on n’a plus de craintes. Mais les deux premiers jours de l’éruption, on voyait que l’activité commençait à grimper. Tous les paramètres sismiques et les émissions de gaz avaient énormément augmenté et continuaient d’augmenter. On ne savait pas trop où ça allait s’arrêter. On a levé le niveau d’alerte mais une augmentation aussi rapide devenait préoccupante. Après la levée de l’alerte, on a observé une stabilisation puis une diminution de l’activité.
Est-il possible que la menace d’une potentielle éruption refasse surface dans les prochaines semaines ?
On a observé que l’activité du volcan commençait à augmenter à partir de la fin de l’année passée. Tous les niveaux d’activité qu’il y a maintenant sont environ 5 fois plus élevés que l’an dernier. Le volcan est entré dans une phase plus active et plus instable. Il faut donc garder une surveillance assez haute car ces périodes d’activité élevées peuvent durer plusieurs mois voire plusieurs années.
Comme l’augmentation a été progressive, ça nous indique qu’elle a une cause profonde. Il y a eu une injection de nouveau magma, plus riche en gaz et plus chaud, qui a plus de potentiel de faire des éruptions explosives. En fonction de l’évolution du magma, le volcan peut rester en activité élevée pendant plusieurs mois ou plusieurs années. Il ne faut pas complètement écarter une éruption explosive en cas d’injection brutale de nouveau magma.
Combien de personnes seraient-elles menacées par une éventuelle éruption prochaine du volcan, situé à 70km de la capitale Mexico ?
La capitale ne serait pas menacée sur le plan létal. Ce qui pourrait arriver à Mexico ou à la ville de Puebla, à environ 45-50 km, seraient des chutes de cendres. Elles seraient dérangeantes mais elles ne mettent pas en danger la vie des gens. L’impact létal s’étendrait à 20-25km autour du volcan. En fonction de l’intensité de l’éruption, ce serait entre 10.000 et 50.000 personnes qui seraient en danger de mort. Les gens qui habitent plus loin auraient des nuisances comme des retombées de cendres et des coulées de boues.
Les colonnes de cendres et le nuage de dioxyde de souffre qui seraient rejetés par le volcan auraient-ils des effets sur les populations locales et sur la biodiversité ?
J’ai été co-auteur d’un article sur l’impact sur la biodiversité de l’éruption de La Palma (en Espagne en 2021), où l’on montrait que dans un rayon de 2-3km autour du volcan, tout avait été annihilé. Mais au-delà, pratiquement toutes les espèces avaient pu s’adapter et étaient vite revenues après la fin de l’éruption. On pourrait imaginer un scénario identique pour le Popocatepetl.
Quels sont les moyens mis en œuvre par les chercheurs locaux pour prédire l’évolution prochaine de l’activité du volcan ?
Les méthodes de surveillance qui s’appliquent au Popocatepetl, c’est d’abord un réseau assez dense d’une dizaine de stations sismiques situées à des distances de 4 à 20km du volcan. Si jamais l’activité est trop forte et sature les stations les plus proches, on peut toujours utiliser les stations plus lointaines pour étudier le volcan.
Il y a aussi cinq ou six balises GPS installées sur le volcan pour mesurer la déformation du sol et voir si le volcan se gonfle ou se dégonfle. On a également cinq ou six webcams, dont une infrarouge. Nous avons un radar météorologique pour détecter les panaches de cendres et prévenir les aéroports en cas de besoin. C’est grâce à ce radar qu’on a pu fermer à temps l’aéroport de Mexico et celui de Puebla.
De mon côté, je mesure des émissions de gaz et des flux de dioxyde de souffre, ainsi que la composition du gaz du panache. C'est assez efficace, on avait bien vu l’augmentation progressive de l’activité du volcan dès la fin de l’année passée. Une semaine avant le début de l’activité intense, on avait une réunion entre les scientifiques qui étudient et surveillent le volcan. On était tous d’accord pour dire, chacun avec notre technique, qu’on voyait une nette augmentation de l’activité.
Pouvez-vous nous expliquer la corrélation entre la multiplication des tremblements de terre dans la région et le regain d'activité du Popocatepetl ?
Mon collègue Denis Legrand et mon ami Thomas Boulexteix ont observé que, statistiquement, quand il y avait peu de séismes régionaux autour du volcan, il était dans une phase d’activité plus calme. A l’inverse, quand il y en avait beaucoup, le volcan était plus actif. Il semble que les séismes stimulent le volcan et favorisent l’ascension du magma vers la surface.
Ce qui est probablement le mécanisme dominant dans le cas du Popocatepetl, c’est que comme c’est un volcan qui est pratiquement en activité permanente depuis près de 30 ans, son système d’alimentation magmatique est saturé en gaz. Le Popocatepetl est un des volcans du monde qui émet la plus grande quantité de dioxyde de souffre, de manière permanente.
Ce système d’alimentation magmatique saturé en gaz, si jamais il y a des ondes sismiques qui le traversent, c’est un peu comme si on secouait une bouteille de Coca-Cola. On va le pressuriser, c’est-à-dire que les gaz vont pouvoir se séparer du magma et migrer vers la surface.
Ces dernières semaines, on a vu que le volcan répondait à des séismes qui survenaient à de très longues distances. Il y a eu des séismes très intenses dans les îles Kermadec (dans le Pacifique sud-ouest), à plus de 10.000 km du volcan. On a remarqué que quelques heures après le passage des ondes sismiques de ces séismes, le volcan augmentait de façon notable son activité.