L'eurodéputée grecque Eva Kaili a été inculpée et écrouée dimanche 11 décembre, dans le cadre d'une enquête sur des soupçons de corruption par le Qatar au sein du Parlement européen. En pleine Coupe du monde, l'affaire secoue les institutions européennes.
quatres personnes écrouées, dont l'eurodéputée Eva Kaili
Six personnes, dont l'eurodéputée grecque Eva Kaili (socialiste), ont été arrêtées vendredi 9 décembre à Bruxelles dans le cadre d'une enquête sur des soupçons de versements d'argent par un pays du Golfe pour influencer les décisions des eurodéputés.
Ce dimanche 11 décembre, Eva Kaili et trois autres suspects ont été incarcérés. Il s'agit de Francesco Giorgi, assistant parlementaire et compagnon de l'élue grecque, de Pier-Antonio Panzeri, ancien eurodéputé social-démocrate italien et de Niccolo Figa-Talamanca, dirigeant de l’ONG No Peace Without Justice.
Interpellé à Bruxelles, Luca Visentini, secrétaire général italien de la Confédération syndicale internationale, a lui été mis en examen mais libéré sous condition.
Dirigée par le juge belge Michel Claise, une enquête pour «corruption» et «blanchiment d'argent» en bande organisée a été ouverte. Le parquet fédéral n'a pas nommé le pays impliqué, mais plusieurs médias ont confirmé qu'il s'agissait du Qatar, notamment les journaux belges Le Soir et Knack.
des centaines de milliers d'euros découverts
Ce coup de filet a eu lieu après au moins 16 perquisitions menées à Bruxelles. Selon Le Soir, c’est plus d’un million et demi d’euros d’argent liquide qui a été découvert chez Eva Kaili et Pier-Antonio Panzeri.
Document @lesoir @knack
Scandale de corruption européen: voici l’argent saisi chez Panzeri et Kaili: au total plus d'un million et demi d'euros en cash https://t.co/Eqgf89bo1B pic.twitter.com/yA6ov6pFEQ— Louis Colart (@LouisColart) December 13, 2022
Le père de l'eurodéputée grecque a lui-même été surpris en train de transporter une grosse somme en liquide «dans une valise», rapporte le journal belge L’Echo.
Les bureaux des eurodéputés belges Marie Arena et Marc Tarabella, qui siègent au sein du même groupe parlementaire qu'Eva Kaili (Socialistes et Démocrates), ont également été perquisitionnés.
l'eurodéputée grecque eva kaili au centre de l'enquête
Ex-présentatrice télé de 44 ans, l'eurodéputée grecque Eva Kaili est une figure de la social-démocratie dans son pays. En tant que vice-présidente du Parlement européen (comme 13 autres élus), elle disposait de diverses délégations, dont celle pour les relations avec la péninsule arabique.
Début novembre, elle s'était ainsi rendue au Qatar où elle avait salué en présence du ministre qatari du Travail les réformes de l'émirat dans ce secteur. «Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail», avait insisté l'élue le 22 novembre, à la tribune du Parlement européen.
Eva Kaïli, le 21 novembre dernier, défendait le Qatar contre les critiques sur son bilan en matière de droits du travail. Elle est aujourd'hui interpellée par la police dans le cadre d'une enquête sur la corruption impliquant le Qatarhttps://t.co/3FdcybelkG pic.twitter.com/b8aXSZNTa4
— LN24 (@LesNews24) December 11, 2022
Ce mardi 13 décembre, le Parlement européen a démis l'élue grecque de sa fonction de vice-présidente de l'institution.
L'avocat d'Eva Kaili maintient que les soupçons pesant sur sa cliente relèvent de «fausses rumeurs» et que l'eurodéputée «ne connaissait pas l'existence de l'argent» retrouvé chez elle. Il a par ailleurs ajouté qu'Eva Kaili avait l'intention de «demander sa libération», ce mercredi 14 décembre.
la gauche sous le choc
La gauche française et européenne est durement frappée par ces accusations de corruption alors que, le 24 novembre dernier, des eurodéputés socialistes avaient voté contre une résolution condamnant les violations des droits humains au Qatar.
«Le scandale de corruption par le Qatar au Parlement est gravissime. J'ai vu en négociant le contenu de la résolution sur les violations des droits humains de la Coupe du monde que certains répétaient mot pour mot la défense du Qatar», a réagi sur Twitter l'eurodéputée LFI Manon Aubry.
«La plupart des suspects sont liés au groupe Socialistes et Démocrates (S&D), notre groupe au Parlement européen. Mon principe est clair : la vérité et la justice doivent primer sur les solidarités de parti. Et il va falloir vite nettoyer les Écuries d’Augias !», a renchéri sur le même réseau social l'eurodéputé de gauche Raphaël Glucksmann, président de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans les processus démocratiques de l’UE.
Dès vendredi soir, Eva Kaili a été exclue du Parti socialiste grec (Pasok-Kinal), qui souhaiterait aussi la voir céder son siège au Parlement européen. Le groupe Socialistes et Démocrates (S&D) de l'assemblée européenne a annoncé sa suspension «avec effet immédiat».