Ce lundi 25 juillet, un peu plus de deux millions de Tunisiens ont été appelés aux urnes pour se prononcer sur le référendum constitutionnel que veut mettre en place le président Kaïs Saied. D’après les premières estimations, 92 % des votants seraient «pour» la nouvelle Constitution qui permet au chef de l’État d’instaurer un régime ultra-présidentiel.
La seule démocratie du Printemps arabe fragilisée ? Le président Kais Saied a proclamé mardi l'entrée de la Tunisie dans une «nouvelle phase» après la victoire quasi certaine du «oui» lors d'un référendum sur une nouvelle Constitution qui renforce nettement ses prérogatives et est jugée périlleuse pour la fragile démocratie tunisienne.
Dans un discours prononcé en pleine nuit devant ses supporters, rassemblés au centre de Tunis, il a estimé que «les Tunisiens ont donné une leçon au monde, une leçon d'histoire». «Le référendum va permettre de passer d'une situation de désespoir à une situation d'espoir».
La Tunisie, confrontée à une crise économique, aggravée par le Covid-19 et la guerre en Ukraine dont elle dépend pour ses importations de blé, est très polarisée depuis que Kais Saied, élu démocratiquement en 2019, s'est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021.
Les premiers résultats officiels ne sont pas attendus avant l'après-midi mais selon l'institut de sondage Sigma Conseil, le «oui» l'a emporté avec 92,3 % des voix.
Les votants étaient surtout «les classes moyennes les plus lésées, les adultes qui se sentent floués économiquement, politiquement et socialement», a analysé le directeur de Sigma Conseil, Hassen Zargouni.
Les islamistes boycottent, le peuple vote
Puisque la plupart des grands partis d'opposition et en premier lieu le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha boycottait le scrutin de lundi, les yeux étaient rivés sur la participation qui a été très faible mais plus importante qu'attendu.
Sur la base de chiffres provisoires, 27,5 % des 9,3 millions d'inscrits ont voté, dans un pays où l'abstention est traditionnellement très forte, avec une participation généralement sous les 40 %.
Le Front du salut national, agrégation d'opposants dont fait partie Ennahdha, a estimé que «75 % des Tunisiens ont refusé de donner leur approbation au projet putschiste lancé il y a un an par Kaïs Saied».
Pour l'analyste Youssef Cherif, la participation a été «bien au-delà des 10 % (escomptés par certains analystes) mais bien en dessous des 50 %. Et surtout la plupart des gens ont voté pour l'homme (Kaïs Saied) ou contre ses opposants mais pas pour son texte».
L'analyste Abdellatif Hannachi pense aussi que le vote était un test de la popularité du président, soulignant que même si «en surface, les chiffres (de participation) sont faibles, mais c'est tout à fait respectable compte tenu de la tenue du scrutin en été, pendant les vacances et en pleine chaleur».
Ce résultat va permettre à Kaïs Saied «d'étendre son emprise sur le pays» et de «ne pas avoir d'égards pour les autres forces politiques», selon lui.
Un pouvoir quasi-absolu pour Kaïs Saied ?
Le président qui ne peut être destitué désigne le chef du gouvernement et les ministres et peut les révoquer à sa guise. Il peut soumettre au Parlement des textes législatifs qui ont «la priorité». Une deuxième chambre représentera les régions, en contrepoids de l'Assemblée des représentants (députés) actuelle.
Le nouveau texte «donne presque tous les pouvoirs au président et démantèle tous les systèmes et institutions pouvant le contrôler», a dit à l'AFP Said Benarbia, directeur régional de la Commission internationale des juristes CIJ.
Pour nombre d'experts, l'avenir politique de Kaïs Saied dépendra aussi de sa capacité à relancer une économie en situation catastrophique avec un chômage très élevé, un pouvoir d'achat en chute libre et le taux de pauvreté qui augmente (4 millions de personnes).