Etouffé par les sanctions occidentales, Vladimir Poutine soigne sa relation avec l'Afrique. Dépendante du blé russe, une large partie du continent s'était refusé à condamner l'invasion de l'Ukraine.
Des sourires sur les visages, un entretien en tête-à-tête autour d'une table basse fleurie : la rencontre vendredi dernier entre Vladimir Poutine et le président sénégalais Macky Sall n'a rien de comparable avec la visite d'Emmanuel Macron à Moscou en février dernier.
Venu en tant que président de l'Union africaine pour obtenir des garanties sur les exportations de céréales russes et ukrainiennes, le dirigeant africain était reparti «rassuré», ajoutant avoir trouvé son homologue russe «conscient que la crise et les sanctions créent de sérieux problèmes aux économies faibles, comme les économies africaines».
Si les promesses de Vladimir Poutine doivent être prises avec précaution, la cordialité de l'échange entre les deux hommes reste révélatrice des intérêts convergents de la Russie et des pays africains.
L'afrique, un nouveau marché pour poutine
A l'initiative de la rencontre, Vladimir Poutine a plus que jamais besoin de l'Afrique. «Etouffé par les sanctions occidentales, Vladimir Poutine a tout intérêt à soigner sa relation avec l'Afrique qui représente pour lui un immense marché alternatif», analyse pour CNEWS Carole Grimaud-Potter, spécialiste de la géopolitique de la Russie et enseignante à l'université de Montpellier.
Le dirigeant russe bénéficie déjà d'une bonne image sur le continent, où l'influence qu'il exerce depuis plusieurs années commence à produire ses effets. «Depuis le début des sanctions occidentales en 2014, la Russie mène une offensive informationnelle sur le continent, en profitant du ressentiment contre les anciens pays coloniaux comme la France», souligne la spécialiste.
Depuis l'invasion de l'Ukraine, Vladimir Poutine continue de détériorer l'image des Occidentaux en Afrique en les accusant de créer une crise alimentaire avec leurs sanctions.
Dépendance africaine à la Russie
Si la Russie n'a pas la force de frappe économique de la Chine, la voix du Kremlin porte de plus en plus. Que ce soit dans les médias, sur les réseaux sociaux mais aussi sur le terrain avec la présence du groupe Wagner.
En 2019, le sommet Russie-Afrique de Sotchi a parachevé le grand retour de la Russie sur le continent, après le trou d'air qui a suivi la chute de l'Union soviétique.
Du côté africain, on s'efforce aussi de garder de bonnes relations avec Moscou. Une douzaine de pays, dont le Sénégal, dépendent de la Russie et de l'Ukraine pour au moins la moitié de leurs importations de blé.
La russie et l'afrique, une longue histoire
Outre cette dépendance alimentaire, le président Macky Sall et d'autres dirigeants voient dans la Russie un partenaire commercial intéressant, avec qui les relations ne risquent pas d'être polluées par l'histoire coloniale. Bien au contraire.
«Les pays africains n’ont pas oublié la part qu’a prise l’URSS dans les luttes pour l’indépendance, en Centrafrique ou au Mozambique notamment. De nombreux dirigeants africains ont par ailleurs été formés en URSS», rappelle Carole Grimaud-Potter.
João Lourenço, président de l'Angola, ou encore Sam Nujoma, ex-président de la Namibie, ont par exemple étudié à l'université moscovite Patrice-Lumumba, créée en 1960 pour former l'élite des pays décolonisés (et nommée en hommage au héros de l'indépendance de la République du Congo).
Renommée «Université russe de l'Amitié des Peuples» en 1992, elle s'est relancée ces dernières années en concluant de nombreux accords inter-universitaires pour faire face aux concurrents chinois, saoudiens et français sur le continent.
Cette proximité avec la Russie s'est illustrée à l'assemblée générale de l'ONU en mars dernier. Près de la moitié des pays africains se sont ainsi abstenus ou n'ont pas participé aux votes de résolutions condamnant l'invasion de l'Ukraine.