Des combats ont eu lieu ce mardi 17 mai à Tripoli, en Libye, après un coup de force du gouvernement rival.
Le gouvernement libyen désigné par le Parlement, soutenu par le puissant maréchal Khalifa Haftar, a annoncé mardi qu'il se retirait de la capitale Tripoli, siège du pouvoir exécutif rival, après plusieurs heures de combats déclenchés par son arrivée.
En milieu de matinée, le service de presse du gouvernement désigné par le Parlement a indiqué dans un communiqué que son Premier ministre Fathi Bachagha ainsi que plusieurs de ses ministres, avaient «quitté Tripoli pour préserver la sécurité (...) des citoyens».
Plus tôt dans la nuit, il avait annoncé l'arrivée à Tripoli du Premier ministre et des ministres «pour y débuter les travaux» du gouvernement, mais celle-ci avait entraîné des combats pendant plusieurs heures en pleine ville entre groupes armés, selon un correspondant de l'AFP.
L’Onu appelle à la retenue
Dans la région de Tripoli, les deux camps disposent du soutien de groupes armés encore très influents dans l'ouest du pays, mais dont les allégeances sont traditionnellement mouvantes.
«Al Nawasi», une importante milice de la capitale, s'est notamment félicitée de l'entrée de Fathi Bachagha dans la nuit de lundi à mardi, avant son retrait.
De son côté, le gouvernement siégeant à Tripoli, né début 2020 d'un processus politique parrainé par l'ONU, n'a pas réagi aux événements survenus ces dernières heures.
La conseillère spéciale du secrétaire général de l'ONU pour la Libye, Stephanie Williams, a pour sa part appelé sur Twitter à la «retenue», en insistant «sur la nécessité absolue de s'abstenir de toute action provocatrice».
Dans une vidéo diffusée par des médias locaux, Fathi Bachagha avait affirmé en matinée avoir été «très bien accueilli» à Tripoli, et annoncé la tenue d'une conférence de presse en soirée durant laquelle il ferait «un discours d'unité au peuple libyen».
Et le ministre de l'Intérieur du gouvernement Bachagha, Issam Abu Zariba, avait assuré, avant le retrait, que l'équipe gouvernementale prendrait ses fonctions «pacifiquement» et «dans le respect de la loi». Pour faciliter la transition, il a appelé «toutes les forces de sécurité (...) à coopérer».
En février, le Parlement siégeant dans l'Est avait désigné Fathi Bachagha, un ancien ministre de l'Intérieur, comme nouveau Premier ministre. Cette instance est soutenue par le puissant maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'Est libyen, dont les forces avaient tenté de conquérir la capitale en 2019.
Mais le nouveau Premier ministre n'avait jusque-là pas réussi à évincer l'exécutif en place à Tripoli, dirigé par l'homme d'affaires Abdelhamid Dbeibah. Ce dernier a affirmé à maintes reprises qu'il ne remettrait le pouvoir qu'à un gouvernement formé à l'issue d'élections.
Le gouvernement d'Abdelhamid Dbeibah avait en effet comme principale mission l'organisation d'élections législatives et présidentielle, initialement prévue en décembre dernier.
Cependant, des querelles entre les caciques politiques locaux, notamment sur la base juridique du scrutin, ont entraîné le report sine die de ces élections sur lesquelles la communauté internationale fondait de grands espoirs pour enfin stabiliser le vaste pays d'Afrique du Nord.
Les rivaux politiques d’Abdelhamid Dbeibah estiment que son mandat a pris fin avec ce report.
Un chaos politique depuis la chute de Mouammar Kadhafi
Depuis 2011, la Libye, vaste pays de 7 millions d'habitants, reste miné par le chaos politique, les divisions entre institutions concurrentes dans l'Est et l'Ouest et par l'insécurité.
La production pétrolière, principale source de revenus du pays, est otage des divisions politiques, avec une vague de fermetures forcées de sites pétroliers ces dernières semaines.
Considérés comme proches du camp de l'Est, les groupes à l'origine des blocages réclamaient le transfert du pouvoir à Fethi Bachagha ainsi qu'une meilleure répartition des revenus pétroliers.
La production a depuis baissé d'environ 600.000 barils par jour, soit la moitié de la production quotidienne moyenne, entraînant un manque à gagner de «60 millions de dollars» par jour au moment où les prix flambent sous l'impact de la guerre en Ukraine, avait déploré fin avril le ministre du Pétrole et du Gaz dans un entretien à l'AFP.