Déjà perturbé par la guerre en Ukraine, le marché de l'huile végétale fait face à un nouvel écueil : l'Indonésie a décidé de suspendre toutes ses exportations d'huile de palme. Cette mesure a commencé à prendre effet ce jeudi 28 avril, sachant que l'archipel est le premier producteur mondial.
L'Indonésie fait face depuis plusieurs mois à une pénurie et à une flambée des prix de l'huile de cuisson à base d'huile de palme sur son marché intérieur. La crainte d'une montée des tensions sociales a conduit le pays à suspendre ses exportations.
Le mécontentement de la population face à la hausse des prix alimentaires a en effet suscité des manifestations dans plusieurs villes et, selon de récents sondages, contribué à une baisse de la popularité du président, Joko Widodo.
«En tant que plus gros producteur d'huile de palme, il est ironique que nous ayons des difficultés à obtenir de l'huile de cuisson», a souligné ce dernier. Le pays est en réalité confronté à des problèmes de distribution et de rétention de stocks, notamment parce que les producteurs préfèrent écouler leurs cargaisons à l'international, pour profiter à plein de la hausse des cours.
Résultat : depuis le début de l'année, les consommateurs les plus modestes on dû souvent patienter des heures dans de longues files d'attente devant les centres de distribution d'huile à prix subventionnés, dans de nombreuses villes.
Mardi, les autorités avaient dans un premier temps annoncé que la suspension ne concernerait que les produits destinés aux huiles alimentaires. Mais, le lendemain, la mesure a finalement été étendue à l'ensemble des exportations de l'oléagineux.
«Tous les produits», y compris l'huile de palme brute «sont couverts par un décret du ministère du Commerce», a indiqué Airlangga Hartarto, ministre coordonnateur à l'Economie. Avant l'entrée en vigueur de l'embargo, mercredi à minuit, le cours de l'huile de palme brute a bondi de près de 10% à la Bourse de Kuala Lumpur, soit un bond de 63% sur un an.
Des pénalités à payer
Joko Widodo a indiqué que l'approvisionnement de la population était désormais «la plus haute priorité». Selon lui, les exportations pourront reprendre quand le prix de gros de l'huile de cuisson sera redescendu à 14.000 roupies (97 cents) dans l'archipel, après s'être envolé de 70% ces dernières semaines.
D'après Bhima Yudistira, économiste au Centre des études économiques et juridiques (Celios), «l'Inde, la Chine, le Bangladesh et le Pakistan» sont «les plus affectés» par la suspension des exportations indonésiennes, notamment pour leur consommation alimentaire.
L'Indonésie assure quelque 60% de la production d'huile de palme, dont un tiers est consommé sur son marché intérieur. L'an dernier, l'archipel en a exporté 34,2 millions de tonnes, pour l'huile l'alimentaire mais aussi pour la fabrication d'une grande gamme de produits, des cosmétiques aux produits alimentaires.
Avec la suspension de toutes ses exportations, l'Indonésie risque de devoir payer des pénalités pour rupture de contrats. Elle est également susceptible d'être poursuivie devant l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) si cette interdiction se prolonge.