Dans son rapport 2021, publié ce mardi 29 mars, Amnesty International s'interroge : «Pourquoi le monde d'après n'a pas eu lieu ?». A en croire l'ONG, la montée des autoritarismes est une première réponse puisqu'en la matière, une «tendance lourde» est observée «dans le monde entier».
Pour preuve, la présidente d'Amnesty International France, Cécile Courdriou, dénombre «67 pays qui ont créé de nouvelles lois pour restreindre ce qu'on appelle l'espace civique, l'espace dans lequel on peut justement exprimer éventuellement des dissidences».
La France est loin d’avoir été exemplaire en matière de droits humains en 2021.
C’est l’alerte donnée par notre rapport annuel.
Nouvelles lois portant atteintes à nos libertés, persistance des discriminations, droit d'asile en péril… Notre analyse. https://t.co/M0mgmwjBwk— Amnesty International France (@amnestyfrance) March 29, 2022
Interrogée sur France Inter, elle développe : ces dissidences ont même été «réprimées» dans «bien des pays». Ils sont 84, «17 sur 19 pays au Moyen-Orient, par exemple», à avoir «sauvagement» puni ceux que l'on appelle les «défenseurs des droits humains». «Ce sont vraiment des tendances lourdes à ne plus supporter la moindre critique, notamment d'ailleurs en lien avec la pandémie, mais pas seulement», explique Cécile Courdriou.
Amnesty pointe également «un accroissement des moyens pour pouvoir surveiller et traquer les personnes en désaccord avec les gouvernements». A ce sujet, la présidente de l'antenne française cite la Chine ou la Russie, là où la «surveillance numérique» est critique, au travers de «nouveaux outils, dont Pegasus, fabriqué par NSO en Israël».
Le plus inquiétant étant que ce genre de dérives est aussi observé dans des pays démocratiques et notamment en France. Dans ce rapport annuel, l'Hexagone est classé parmi les 67 pays au monde qui ont «adopté en 2021 des lois qui restreignent la liberté d'expression, d'association et de réunion».
La «loi séparatisme» pointée du doigt
Sont citées la loi sur la prévention du terrorisme, promulguée en juillet 2021 et qui entérine les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas), mais aussi la loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure, datant du 24 janvier 2022. Cette dernière autorise les captations d'images de manifestations par les drones et constitue, selon Amnesty, «un pas de plus vers la surveillance de masse». Enfin, l'ONG estime que la loi dite «séparatisme», du 24 août 2021, «risque d'ouvrir la voie à des pratiques discriminatoires» sous couvert de lutte contre l'islamisme radical.
Aussi, puisqu'«il y a eu un usage excessif de la force à l'encontre des manifestants» dans 85 pays, Cécile Courdriou affirme qu'il est aujourd'hui «très dangereux de défendre les droits humains, que ce soit en ligne ou dans la rue».
Ce, alors qu'en parallèle les conflits se multiplient. «Tous les yeux sont rivés vers l'Ukraine et c'est bien compréhensible, mais je pense notamment à la Syrie, qui rentre dans sa onzième année d'un conflit extrêmement meurtrier pour les civils [...] Je pense également à une guerre encore plus oubliée qui est celle du Yémen. Sept ans pourtant, avec des conséquences aussi dévastatrices pour les populations civiles». Sans oublier les «atrocités» commises dans la région du Tigré, en Ethiopie, déplore la présidente d'Amnesty France.