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Migrants traversant la Manche : des mois de tensions entre Paris et Londres

Des migrants arrivent sur la côté britannique après avoir été secourus, le 24 novembre. [Ben STANSALL / AFP]

La mort de 27 migrants au large de Calais mercredi, l'un des naufrages les plus meurtriers que la Manche ait connu, constitue l'épisode le plus dramatique du litige qui oppose la France et le Royaume-Uni depuis septembre.

Si la question migratoire a toujours fait l'objet d'intenses tractations entre Paris et Londres, les relations entre les deux pays sur le sujet ont rarement été aussi fraîches.

Ce regain de tensions a pour origine une récente hausse des flux migratoires depuis la France vers l'Angleterre. Plus de 31.000 migrants ont tenté de traverser la Manche pour rejoindre l'Angleterre cette année (environ 22.000 y sont parvenus), contre un peu plus de 15.000 en 2020.

Une hausse inacceptable pour les autorités britanniques qui ont fait de la réduction de l'immigration une priorité depuis le Brexit.

La France désignée responsable

Début septembre, Londres a pointé le «laxisme» des autorités françaises et réclamé plus de «résultats». En vertu des accords du Touquet signés en 2003, la frontière britannique est en effet fixée sur la côte française.

Dans la presse britannique, la ministre de l'Intérieur britannique Priti Patel a laissé entendre que le Royaume-Uni pourrait ne pas verser les 60 millions d'euros promis à l'été pour financer le renforcement des contrôles en France.

Réputée sur la sellette au sein du gouvernement de Boris Johnson, Priti Patel est allée jusqu'à réclamer une réécriture de l'interprétation britannique du droit maritime international, afin de permettre à son pays de refouler les embarcations avant qu'elles n'atteignent l'Angleterre et de les renvoyer dans les eaux territoriales françaises.

Paris réclame l'argent promis

«La France n’acceptera aucune pratique contraire au droit de la mer, ni aucun chantage financier», avait rétorqué Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur. Selon lui, la hausse du nombre de migrants débarqués au Royaume-Uni s'explique surtout par le recours des passeurs à des bateaux de plus grande capacité, «pouvant accueillir jusqu'à 65 personnes» contre une quinzaine auparavant.

Quelques semaines plus tard, le 9 octobre, le ministre a fermement réclamé l'argent promis par Londres et demandé la signature d'un nouvel accord, européen cette fois-ci, qui «règle le problème des demandes d'asile (...), des reconduites (...), du regroupement familial». Un projet que la France compte porter durant sa présidence de l'UE qui débute en janvier 2022 pour une durée de 6 mois.

APRÈS LE DRAME, AUCUN MEA CULPA

Après la mort de 27 migrants mercredi, Boris Johnson a une nouvelle fois rejeté toute responsabilité, déclarant avoir «des difficultés à persuader certains de [ses] partenaires, en particulier les Français, d'agir à la hauteur de la situation».

Au lendemain du drame, le Premier ministre britannique a même publié une lettre adressée à Emmanuel Macron sur Twitter, dans laquelle il lui demande de reprendre «tous les migrants illégaux qui traversent la Manche». S'appuyant sur le fait que «l'UE a conclu des accords de réadmission avec des pays comme le Bélarus et la Fédération de Russie», Boris Johnson souhaite un dispositif semblable avec le Royaume-Uni. Une mesure qui, selon lui, «aurait un effet immédiatement» et «sauve[rait] ainsi des vies».

Interrogé sur cette lettre lors d'une conférence de presse à Rome, à l'issue de la signature d'un traité avec l'Italie ce vendredi 26 novembre, Emmanuel Macron a dénoncé des méthodes «pas sérieuses». «On ne communique pas d'un dirigeant à l'autre sur ces questions-là par tweets et par lettres qu'on rend publiques, nous ne sommes pas des lanceurs d'alerte. Allons, allons», a critiqué le président de la République.

Après cette sortie du président français, les services de Downing Street, résidence officielle du Premier ministre britannique ont quoi qu'il en soit fait savoir que Boris Johnson ne regrettait pas sa lettre à Emmanuel Macron.

Avant cela, le gouvernement britannique avait réitéré sa proposition de patrouilles de police franco-britanniques sur le littoral français afin d'empêcher les migrants d'embarquer. Mais l'offre a été rejetée par Paris pour des raisons de souveraineté.

De son côté, Gérald Darmanin a désigné les «passeurs qui organisent ces traversées» comme les premiers coupables. Un avis nuancé par les associations présentes à Calais, comme Utopia 56, qui estime que les «traitements» infligés aux migrants par les forces de l'ordre les poussent de plus en plus à «prendre à des risques».

La crise migratoire s'ajoute à la liste des différends qui opposent la France au Royaume-Uni depuis l'entrée en vigueur du Brexit, entre fâcherie diplomatique au sujet de l'alliance AUKUS dans le pacifique et conflit sur la pêche.

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