La prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan a créé une onde de choc parmi la communauté internationale. Au-delà du bouleversement diplomatique, elle signifie surtout un changement de mode de vie qui va s’opérer dans le pays, avec le risque d’un grave retour en arrière.
Dans les villes, de nombreux Afghans redoutent que les talibans fassent à nouveau appliquer la charia, la loi islamique, de façon ultra rigoriste, comme c’était le cas entre 1996 et 2001.
Et cela quand bien même les fondamentalistes ont assuré qu’ils respecteraient les droits humains, notamment ceux des femmes, en accord cependant avec les «valeurs islamiques».
«Nous devons montrer que nous pouvons servir notre nation et assurer la sécurité et le confort dans la vie», a ainsi rapidement affirmé le mollah Abdul Ghani Baradar, co-fondateur des talibans, après que les combattants se soient emparés de la capitale Kaboul. Un discours auquel peu d’observateurs croient.
«Un cauchemar pour les femmes»
Pour certaines Afghanes, interrogées par l’Agence France-Presse, le retour des talibans marque «la fin du monde». La prise de Kaboul «a brisé nos âmes et nos esprits». «C’est un cauchemar pour les femmes qui ont fait des études, qui envisageaient un avenir meilleur pour elles-mêmes et les générations futures», explique ainsi Aisha Khurram, représentante de la jeunesse de son pays auprès de l’ONU et qui devait être diplômée de l’université dans quelques mois.
Lorsqu’ils dirigeaient le pays, il y a vingt ans, les talibans empêchaient en effet les femmes de travailler et d'étudier. Elles devaient également porter la burka en public et ne pouvait quitter leur domicile qu’à condition d’être accompagnée d’un tuteur masculin de leur famille. Celles coupables d’adultère, qu'il soit prouvé ou non, pouvaient être lapidées en public, sur des places dans les villes ou dans des stades. Cette violence de la charia s’appliquait également via des flagellations et des exécutions, envers celles et ceux qui ne respectaient pas correctement la loi islamique souhaitée par les talibans.
Des cas de mariages forcés ont par ailleurs été déjà rapportés, entre des jeunes filles et des combattants talibans. Dans les rues de Kaboul, des images sur les magasins montrant des femmes ont commencé à être repeintes, les islamistes n’acceptant pas de reproductions d’images de femmes.
Représailles envers les civils proches des occidentaux
Alors qu’ils avaient assuré ne pas vouloir s’en prendre aux civils, de graves exactions ont été dénoncées par les ambassades américaines et britanniques, au fur et à mesure de l’avancée des combattants. Des dizaines d’entre eux auraient été «massacrés».
Des représailles contre des habitants ayant accueilli favorablement les forces afghanes ont également eu lieu, avec des pillages. D’autres ont été abattus pour «motifs personnels» et des «conflits passés», a indiqué la Commission afghane indépendante des droits de l'homme. Ces actes pourraient se multiplier dans les jours et les mois à venir, visant les personnes ayant collaboré avec les occidentaux.
Une vie quotidienne sous l’emprise d’un islam rigoriste
Dans la vie de tous les jours également, le retour des talibans et de la charia promet un sévère pas en arrière. L’interdiction d’avorter sera établie, de même que l’interdiction du mariage homosexuel, crime qui est déjà passible de la peine de mort. Il devrait en être de même avec le rejet de la science ou des vaccins, comme l'indique notamment L’Express. La religion sera enseignée dans les établissements scolaires, et ceux existant actuellement devraient être transformés pour devenir des écoles coraniques.
La politique et la liberté d’expression ne seront pas tolérées non plus par les talibans, faisant craindre une violente répression envers les journalistes et les médias. La mise en place d’une police islamique est aussi à craindre, qui prohibera le mode de vie occidental (utilisation de smartphone, par exemple) et veillera au bon respect des codes souhaités par les islamistes (taille de la barbe, habillement, pratique religieuse). L’ONG Humans Right Watch avait d’ailleurs déjà dénoncé ces pratiques en 2019, dans des zones du sud-ouest du pays, où les talibans étaient déjà en place.