Accusé de nombreux abus sexuels, dont certains sur mineures, le chanteur R. Kelly comparaît à partir de ce lundi 9 août devant le tribunal de Brooklyn, à New York.
Avec plus d'un an de retard à cause de la pandémie, la sélection du jury doit démarrer aujourd'hui. L'artiste devra répondre de plus 20 accusations notamment pour extorsion, exploitation sexuelle de mineure, enlèvement, corruption et travail forcé, sur une période allant de 1994 à 2018.
Actuellement incarcéré dans une prison de Brooklyn, R. Kelly a plaidé non coupable de toutes les charges. Après la sélection des jurés, les premiers témoins sont attendus à partir du 18 août.
Une secte sexuelle ?
En février 2019, des procureurs de Chicago, la ville de R. Kelly, l'ont inculpé pour abus sexuels aggravés sur quatre femmes entre 1998 et 2010, dont la plus jeune avait 14 ans au moment des faits.
Sept mois plus tard, toujours dans l'Illinois, des procureurs fédéraux l'ont inculpé pour pédopornographie et incitation de mineure à des actes sexuels, en l'accusant notamment d'avoir filmé ses ébats avec de jeunes filles et acheté le silence de témoins potentiels pour obtenir son acquittement lors de son premier procès en 2008, pour pédopornographie.
Mariage avec Aaliyah, mineure
A New York, le musicien est accusé d'avoir abusé de six femmes dont l'identité n'a pas été diffusée. Mais beaucoup considèrent que l'une des victimes, appelée Jane Doe #1 dans le dossier, est en fait la chanteuse Aaliyah, décédée en 2001 dans un crash d'avion, à 22 ans.
L'acte d'accusation reproche en effet à R. Kelly d'avoir corrompu un fonctionnaire de l'Etat de l'Illinois en 1994 pour obtenir de faux documents et épouser une mineure. Une accusation qui renvoie au mariage, finalement annulé, du chanteur avec la jeune étoile du R'N'B, alors âgée de 15 ans.
Des faits sordides
L’acte d’accusation avance que le chanteur dirigeait un réseau qui recrutait et préparait des jeunes filles à avoir des relations sexuelles avec lui, les enfermant dans leurs chambres d’hôtel quand il était en tournée, leur demandant de porter des vêtements amples quand elles n’étaient pas avec lui, de «garder la tête basse» et de l’appeler «Papa» («Daddy»).
À Chicago comme à New York, les juges fédéraux ont refusé sa libération sous caution, invoquant un risque de fuite, de subornation de témoin ou le danger que représente le chanteur. R. Kelly, qui doit aussi faire face à un front judiciaire dans l’État du Minnesota, pour des faits similaires, a toujours nié les accusations. «Qu’il s’agisse de vieilles rumeurs, de nouvelles rumeurs, de futures rumeurs, c’est faux», a-t-il assuré dans une interview à CBS, avant les inculpations fédérales.
Les accusations n’en finissent plus
Outre les accusations sus-mentionnées, les procureurs souhaitent que les jurés entendent aussi parler de plus d’une dizaine d’autres personnes qui auraient également été agressées sexuellement ou physiquement, menacées ou maltraitées.
Fin juillet, ceux de New York ont d'ailleurs dévoilé de nouveaux éléments à charge. Cette fois-ci, le chanteur de 54 ans est accusé d'abus sexuels sur un jeune homme de 17 ans, rencontré dans une chaîne de fast-food en 2006. Il lui aurait proposé de venir à son studio d'enregistrement à Chicago où il lui aurait promis de l'aider dans sa carrière en échange de relations sexuelles.
Le jeune homme a ajouté que R. Kelly lui aurait présenté un garçon de 16-17 ans avec qui il aurait aussi eu des relations sexuelles, quelques années plus tard. Un témoignage qui laisse entrevoir «un schéma plus large», selon les procureurs.
à l'heure de #metoo, les victimes enfin entendues
Pour l'avocate Gloria Allred, qui représente trois des victimes au procès new-yorkais, «les accusations sont très puissantes, elles remuent beaucoup» et «pour dire les choses gentiment, cela va être un vrai défi pour la défense».
Kenyette Barnes, cofondatrice du mouvement #MuteRKelly (« Faites taire R. Kelly »), est optimiste quant à elle sur une condamnation qui donnera aux victimes présumées une chance de commencer à «guérir».
Au contraire de 2008, où il avait été acquitté, «il y a cet effort concerté pour défaire la poupée gigogne que représente Robert Kelly», a-t-elle déclaré à l'AFP. «Le temps est venu pour les survivantes (...) Il a fait du mal à trop de jeunes femmes et de jeunes filles tout au long de sa vie, et a évité de rendre des comptes. Et il est temps que ce règne prenne fin.»
Un long silence assourdissant
Enfant de Chicago, devenu une star mondiale grâce à des tubes dans les années 1990, R. Kelly a dominé pendant des années la scène R'n'B. Il a vendu 75 millions de disques dans le monde, ce qui en fait l'un des plus grands succès commerciaux du R'n'B. Le chanteur a remporté trois Grammy Awards en 1998 avec le hit «I Believe I Can Fly».
Pendant plus de 25 ans, Robert Sylvester Kelly a été accusé de pédopornographie, d'agressions sexuelles ou de relations avec des mineures, jusqu'au soupçon d'avoir créé une secte sexuelle autour de lui. Mais malgré ces accusations et plusieurs règlements à l'amiable, le chanteur, connu pour ses tubes «I believe I can fly», «Bump 'N Grind» ou encore «Ignition (Remix)», a conservé une solide base de fans et poursuivi ses tournées dans le monde entier.
C’est la série documentaire explosive «Surviving R. Kelly» qui a remis en lumière l'histoire sulfureuse du chanteur, cette fois dans une ère post-#MeToo.
Fauché, il réclame de nouveaux costumes
L’avocat de R. Kelly, Devereaux Cannick, a fait savoir que son client était fauché et avait besoin de costumes pour se présenter au tribunal après avoir pris du poids en détention.
«Ses finances sont épuisées. Je demande au tribunal de lui remettre quotidiennement les exemplaires des retranscriptions», a déclaré Me Cannick avant d’ajouter : «Nous avons besoin de ses mensurations pour lui confectionner une tenue appropriée pour son procès. Nous essayons de prendre ses mensurations. Comment pouvons-nous procéder ?» a-t-il demandé.
Au tribunal, R. Kelly «se balançait d’avant en arrière sur sa chaise, il s’est même assoupi et a ronflé à un moment donné», a rapporté la presse américaine. «Il est fatigué d’entendre ces allégations. Il connaît la vérité et c’est frustrant pour lui. Il croit que lorsque les gens seront sur serment, tout le monde connaîtra la vérité», a déclaré son avocat.
Actuellement détenu à Brooklyn, à New York, R. Kelly était précédemment emprisonné au Metropolitan Correctional Center de Chicago. L'été dernier, il y avait été blessé par un co-détenu qui avait tenté de le poignarder. Le rappeur avait ensuite demandé une libération sous caution avançant qu’il risquait d’attraper le Covid, demande qui lui avait été refusée.