Un potentiel champion du monde. Présent à Paris pour le Grand Chess Tour, Ian Nepomniachtchi se prépare à affronter Magnus Carlsen pour lui ravir la couronne à la fin de l'année. Le Russe, vainqueur du tournoi des candidats, veut poursuivre sur sa lancée et remettre son pays au sommet des échecs mondiaux.
Etre un joueur d'échecs russe était très politique il y a quelques années. Est-ce que vous pensez que c'est toujours le cas aujourd'hui ?
Cette sorte de tradition s’est établie pendant l’ère soviétique avec un soutien massif des autorités. Je pense que ça a commencé au début des années 1930, les échecs étaient presque un sport national. Les enjeux étaient particulièrement grands à l’époque de Spassky-Fischer ou de Karpov-Kasparov. Mais je pense que c’était l’époque qui voulait cela. Aujourd’hui, je ne sens pas de grand rôle politique. Tous les pays sont fiers de leurs sportifs, les échecs ont un soutien en Russie, mais comparé au football par exemple c’est une autre histoire. Ça n’a plus rien à voir avec la situation d'il y a 50 ans.
Pourtant la politique fait toujours partie des échecs. Vous ne pourrez par exemple pas avoir votre drapeau à côté de vous en novembre prochain, pendant votre match pour devenir champion du monde, à cause des sanctions pour dopage contre la Russie...
C’est assez triste parce que ça ne concerne pas que moi, mais aussi les supporters russes. Il y a eu un appel, qui a échoué. Nous devons le respecter. C'est dommage car vous ne jouez pas que pour vous, mais aussi pour ceux qui ont contribué à votre carrière, vos parents, vos premiers coachs, tous les fans qui vous soutiennent. C’est triste, mais quoi qu’il en soit la vie est dure !
En parlant de ce match, tous les observateurs estiment que Magnus Carlsen est l'immense favori. Pensez-vous être sous-estimé ?
Je n’ai pas vraiment de sentiment sur le sujet pour être honnête. En temps normal, sauf exceptions, le tenant du titre est toujours le favori. En football pendant la Coupe du monde c'est la même chose, le sortant est le favori. Je ne pense pas à mes chances, je veux juste faire mon travail, bien jouer et nous verrons ce qui se passe.
Garry Kasparov est présent à Paris pour le tournoi. Le jeu a beaucoup évolué depuis sa retraite, notamment grâce aux ordinateurs. Comment pensez-vous qu’il s’en sortirait aujourd’hui ?
Je crois qu'il serait très bon. Garry était l’un des premiers à utiliser ces progrès technologiques, peut-être le premier à vraiment utiliser la préparation par ordinateur. Bien sûr, il y a beaucoup de différences entre 1990 et aujourd'hui. Le niveau des ordinateurs et celui des humains ne peut plus être comparé, et on ne sera plus jamais proche. C’est le même écart qu’entre un champion du monde et un novice. Mais je pense qu’en prenant cela en compte, Garry serait vraiment très bon. Il travaillait énormément et, aujourd'hui, il pourrait être encore plus efficace, même si la compétition est plus forte.
Puisque nous sommes en France, un dernier mot sur notre numéro 1 : Maxime Vachier-Lagrave. Il a fini deuxième du tournoi des candidats derrière vous. Pensez-vous qu'il a ce qu'il faut pour aller plus loin la prochaine fois ?
Il n’y a rien d’impossible bien sûr. Nous pouvons seulement imaginer ce que seront les résultats. Le tournoi des candidats a été interrompu à cause de la pandémie. C’était une grande surprise pour moi que Maxime participe (il avait été appelé en renfort après le forfait d'un autre participant pour raisons personnelles, ndlr) et forcément un joueur qui entre au dernier moment est le plus dangereux. Ce n’est pas une question de chance, mais personne ne s’était sérieusement préparé contre lui, et je pense que c’est notamment pour cela qu’il était si bon pendant la première partie du tournoi. Cette année, il est un petit peu moins bien, je ne sais pas ce qu'il s'est passé pour lui. Mais il a terminé deuxième du tournoi et a prouvé qu’il était capable d’affronter les plus forts et de se battre pour les titres les plus importants.