Une solution pour accélérer la vaccination au niveau mondial ? Ces derniers jours, les dirigeants occidentaux multiplient les déclarations concernant une potentielle levée des brevets qui protègent les vaccins contre le Covid-19 de plusieurs multinationales. Après la Maison Blanche, c'est Emmanuel Macron qui s'est dit favorable à une telle mesure ce 6 mai.
Cette nouvelle intervient notamment dans le contexte de la crise en Inde, où le nombre de cas ne cesse de progresser depuis quelques semaines. Si aucune décision n'a encore été officiellement prise pour augmenter la diffusion des vaccins dans les pays les moins aisés, l'administration de Joe Biden est sous pression depuis plusieurs semaines pour faire lever les brevets. Des ONG et des personnalités ont en effet fait savoir qu'il était nécessaire de partager les connaissances dans ce cas précis. Un mécanisme de l'OMC permet d'ailleurs de suspendre temporairement des brevets pharmaceutiques en cas d'urgence, mais plusieurs pays, dont la France et l'Allemagne, l'ont jusqu'ici bloqué.
«C'est très surprenant de voir les Etats-Unis prendre cette décision, puisque tous les mécanismes de renforcement de la propriété intellectuelle viennent de Washington, même lorsque les administrations sont démocrates», analyse Nathalie Coutinet, économiste de la santé et maîtresse de conférence à l'université Paris 13. Joe Biden, qui était jusque-là resté silencieux sur le sujet, pourrait avoir entendu la voix de la grande majorité des pays de l'OMC. Quelques jours avant ces annonces, la spécialiste prédisait que l'initiative pourrait motiver d'autres pays : «Emmanuel Macron s'était déclaré pour le partage des vaccins. Si les Etats-Unis vont dans ce sens, la France et l'Allemagne ne devraient pas s'y opposer».
Des obstacles supplémentaires
Les principaux arguments des réfractaires à ce partage des brevets pointent les conséquences pour l'innovation dans les prochaines années. Ceux-ci expliquent que les acteurs de la recherche pharmaceutiques pourraient être beaucoup plus hésitants à investir dans leurs travaux par peur d'une multiplication de ces décisions dans le futur. À l'heure actuelle, le mécanisme n'a été utilisé qu'une seule fois dans l'histoire, lorsque le Canada a autorisé la fabrication et l'exportation d'un traitement de trithérapie du Sida pour le Rwanda.
De plus, comme l'explique Politico, la levée des brevets ne signifie pas que les pays à revenu faible pourront produire en masse des vaccins facilement. En effet, les vaccins nécessitent un savoir-faire technique, contrairement à la majorité des autres médicaments, qui est également protégé par les entreprises pharmaceutiques. Sans une collaboration des sociétés concernées, il sera beaucoup plus difficile de fabriquer des vaccins. Celles-ci étant particulièrement opposées au partage des informations, il semble peu probable qu'elles coopèrent. Les discussions à venir ne devraient donc pas régler le problème de l'accès aux doses à court et moyen terme.