Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
MERCREDI 10 MARS
Etonnons-nous un peu des poussées de fièvre médiatique. Elles sont innombrables. La plus récente concerne le couple Harry-Meghan qui vient se plaindre chez Oprah Winfrey sur la chaîne CBS (relayée dans nombre de pays) des mauvais traitements subis à la cour d’Angleterre avant de décider de rompre et de s’exiler en Californie.
Faut-il accorder autant d’importance à ce que, dans un tweet ravageur, hier soir à 20h, le journaliste Jérôme Godefroy résumait ainsi : «Une actrice de série B se lamente auprès d’une milliardaire de la télé américaine qui est sa voisine» ? Certes, tout ce qui concerne «The Crown», ce que Harry et sa femme appellent «la firme» a toujours fasciné. Il s’agit, en effet, d’une institution historique, la monarchie britannique. On parle de racisme, on évoque à nouveau le drame de la princesse Diana…
Il semble que de nombreuses personnes interrogées dans les rues de Londres aient désapprouvé la confession, larme à l’œil, de Meghan, et se rangent au côté de la reine Elisabeth II, monument de sagacité et d’habileté qui, dans un court communiqué, aura su, comme à chaque fois, désamorcer (provisoirement ?) la bombe. Cette affaire n’est pas «grave», à l’aune de l’actualité, celle de la révolte birmane face à un pouvoir militaire cruel et brutal ; celle des décrochages de gigantesques glaciers en Antarctique qui soulignent un peu plus le désastre climatique ; celle des chiffres des victimes de l’épidémie de Covid-19 ; celle des bandes de gamins (ce ne sont plus des «gamins») qui se battent et se blessent, voire parfois, se tuent, dans les cités et au sein même de Paris ; celle des intolérances de minorités extrémistes, à Grenoble et ailleurs, auxquelles font face quelques courageux, comme le professeur Klaus Kinzler ; celle d’un phénomène généralisé d’accélération de tout – aussi bien les erreurs que les réussites (hommage à Perseverance, qui nous fait entendre du vent venu de la planète Mars, hommage à l’inventivité humaine, qui fabrique des vaccins à une allure sans précédent). Bref, l’air du temps, celui de ce XXIe siècle, qui ne cesse de me surprendre.
JEUDI 11 MARS
Anniversaire des 10 ans de Fukushima, au Japon, catastrophe nucléaire plus destructrice encore que ne le fut Tchernobyl. Il est 14h46, heure locale, quand un tsunami va provoquer la mort de 18 000 personnes et endommager la centrale nucléaire – pour une séquelle interminable de vies brisées, de nature fracassée, de révélations d’incompétence, de corruption, de négligence, de traumatismes ineffaçables, quel que soit le travail de reconstruction entamé.
J’ai reçu un «beau livre» – le terme utilisé dans le monde de l’édition pour les albums illustrés de grand format – que je vous recommande : Dans l’œil du désastre : créer avec Fukushima (éd. Thierry Marchaisse). Il est signé du talentueux romancier et essayiste Michaël Ferrier. Une trentaine d’artistes vivants, certains de réputation mondiale, disent ce que l’événement a changé dans leur art et leur vie.
VENDREDI 12 MARS
Télévision. Coup de chapeau à Arte et aux auteurs de En thérapie, la série qui passionne les Français. L’audience est impressionnante : 35 millions de vues sur le site d’Arte. C’est tout simplement le programme le plus regardé de l’histoire de la chaîne. Pourquoi ? On en a déjà parlé ici : interprétation supérieure, écriture fine et conjonction avec l’air de notre époque. Cette série ne pouvait pas tomber à un meilleur moment d’anxiété nationale. Bravo à Olivier Nakache et Eric Toledano !
Musique. Astor Piazzolla aurait eu 100 ans cette année. Qui n’a pas aimé son Libertango, son Tristango, musiques ineffaçables ? Les titres mêmes disent tout : liberté et tristesse. Oublions la tristesse, chérissons la liberté !