Dix ans se sont écoulés depuis le 11 mars 2011, date à laquelle un séisme sous-marin parmi les plus puissants jamais enregistrés a provoqué un tsunami dévastateur sur le littoral nord-est du Japon, entraînant aussi le plus grave accident nucléaire de la planète depuis Tchernobyl (Ukraine) en 1986.
Près de 170 milliards d'euros ont déjà été dépensés par le gouvernement japonais pour reconstruire en partie cette région ravagée mais cette renaissance reste encore bien fragile. Le bilan humain de ce désastre s'est élevé à plus de 18.000 personnes mortes ou portées disparues, noyées par la gigantesque vague. Des dizaines de milliers d'habitants ont dû quitter les zones contaminées par la radioactivité.
Ayant couvert la catastrophe à l'époque, les photographes de l'Agence France Presse (AFP) sont retournés cette année sur place à Fukushima, Iwate et Miyagi, les trois départements les plus touchés par le séisme. Leurs photos documentent la reconstruction patiente et difficile de ces territoires sinistrés et meurtris et elles permettent de constater les progrès réalisés.
miyako (Département d'IWate)
© JIJI PRESS/Kazuhiro NOGI/AFP
En haut : Prise par un responsable de la ville de Miyako, le 11 mars 2011, cette photo marquante a saisi le moment où une des vagues du tsunami a submergé le mur de protection du port pour ensuite déferler sur l'ensemble de la localité en emportant tout sur son passage. Miyako détient un triste record, c'est dans cette ville que la plus haute vague du tsunami, environ 40 m, a frappé de plein fouet.
En bas : Le photographe Kazuhiro Nogi a pris le même lieu en photo, le 28 janvier 2021. Sur son cliché, on voit que les travaux ont été effectués sur la digue, à savoir sa reconstruction, son renforcement à l'aide de béton ainsi que sa surélévation. On distingue aussi à l'arrière-plan de l'image que les aménagements du port se poursuivent actuellement avec la construction de nouvelles infrastructures.
MInamisoma (département de fukushima)
© Toru YAMANAKA/Kazuhiro NOGI/AFP
En haut : Ce spectacle de désolation a été photographié le 12 mars 2011. Des habitants observaient le paysage de dévastation laissé après le passage du tsunami à Minamisoma, dans le département de Fukushima. Cette zone côtière a été défigurée et surtout contaminée par les radiations provenant de la fusion des réacteurs de la centrale de Fukushima. D'ailleurs, la population de la partie sud de Minamisoma a dû être évacuée à l'époque. En mai 2012, le département de Fukushima recensait 164.865 personnes déplacées par obligation ou par choix. En 2020, il en restait toujours 36.811.
En bas : Sur cette photo prise le 25 janvier 2021, tous les débris disséminés et accumulés sur le littoral en mars 2011 ont disparu pour faire place nette à une route flambant neuve sur laquelle circulait un automobiliste. On peut remarquer que le paysage et la végétation restent encore bien ternes et tristes. La nature n'a pas encore repris tous ses droits. Seuls les poteaux des lignes électriques réinstallés après la catastrophe, viennent rythmer et ponctuer ce paysage en reconstruction.
OTSUCHI (département d'iwate)
© Kazuhiro NOGI/Yasuyoshi CHIBA/AFP
En haut : Après le tsunami, un bateau de tourisme, le Hamayuri, s'est retrouvé échoué sur le toit d'un établissement hôtelier de deux étages à Otsuchi, le 16 avril 2011. Icône médiatique dans le monde entier, cette maison d'hôtes coiffée d'un navire est devenue aussi un symbole emblématique de la force meurtrière du tsunami. Mais devant le risque de chute du bateau, les autorités ont décidé de l'enlever du toit et de le démanteler en mai 2011.
En bas : Le 28 janvier 2021, le bâtiment hôtelier gardait les traces du désastre et restait dans un piteux état. Selon NHK, la chaîne de télévision publique japonaise, il a été démoli à la fin du mois de février 2021. Les travaux de démolition qui se sont déroulés sur une semaine, ont laissé une zone déserte et vide. Il existait pourtant depuis 2012, un projet municipal pour préserver cet hôtel endommagé avec une réplique du Hamayuri qui aurait été posée dessus. Ce projet aurait permis de transmettre aux générations futures, un témoignage de la tragédie vécue à Otsuchi.
NATORI (département de miyagi)
© Kazuhiro NOGI/Mike CLARKE/AFP
En haut : Cette vision d'apocalypse a été immortalisée en photo, le 13 mars 2011, à Natori. La décrue a laissé sur place tout ce que les vagues du tsunami avaient arraché et charié parfois sur plusieurs kilomètres. Un enchevêtrement hétéroclite de carcasses de voitures, de planches de maisons de bois, de matelas, d'appareils d'électroménagers et d'une multitude d'autres débris non identifiés jonchaient entièrement le sol. Natori a été l'une des villes plus durement touchées du département de Miyagi.
En bas : Après d'énormes travaux de nettoyage de déblaiement et de dépollution, on peut voir au premier plan de cette photo du 26 janvier 2021, des parcelles agricoles labourées parfaitement entretenues. Avant Fukushima, cette région du Tohoku était le grenier à riz de l'archipel nippon et fournissait une grande quantité de denrées agricoles au reste du pays. Le gouvernement japonais a pris de nombreuses mesures depuis la catastrophe pour relancer l'agriculture de la région mais certains agriculteurs ont encore du mal à faire revivre leurs champs et à cultiver des produits ayant la même qualité qu'avant.
RIKUZENTAKATA (département d'iwate)
© Toshifumi KITAMURA/Kazuhiro NOGI/AFP
En haut : Le 29 mars 2011, une file de voitures se frayait un chemin sur une route partiellement dégagée dont les bas-côtés étaient encombrés d'immenses amas de débris empilés les uns sur les autres, dans la localité de Rikuzentakata. Le passage d'une vague géante qui a tout dévasté sur son passage, a complètement inondé cette ville portuaire, la détruisant même à 90% et en faisant au moins 2.300 morts.
En bas : Le 27 janvier 2021, une file d'automobiles s'égrenait sur la même route, au même carrefour, à dix ans d'intervalle. Mais après l'enlèvement des montagnes de déchets, le nettoyage de la voirie, la reconstruction des habitations et l'abattage des forêts de pins, le paysage est radicalement changé. A Rikuzentakata comme dans d'autres villes durement touchées, des travaux de reconstruction monumentaux ont été entrepris pour surélever de plus de dix mètres l'ancien centre-ville et construire de nouveaux quartiers résidentiels dans les collines voisines afin de réduire les dommages causés par un futur tsunami.
ISHInomaki (département de miyagi)
© JIJI PRESS/Kazuhiro NOGI/AFP
En haut : Le 12 mars 2011, des habitants d'Ishinomaki étaient évacués à bord d'une barque ou d'un canoé sur une route inondée par les vagues du tsunami. Celles-ci d'une hauteur de dix mètres ont inondé jusqu'à cinq kilomètres à l'intérieur des terres, inondant près de 15% d'Ishinomaki. Cette grande ville a été l'une des plus ravagées par le séisme de magnitude 9 et le tsunami qui s'ensuivit. Elle a subi les plus grandes pertes humaines de toutes les municipalités touchées, la moitié de ses habitations a été détruite par le désastre.
En bas : Le 26 janvier 2021, le trafic automobile a repris ses droits, les véhicules circulent librement dans la ville japonaise. C'est le retour à la normale.
NATORI (département de Miyagi)
© Kazuhiro NOGI/Mike CLARKE/AFP
En haut : Le 13 mars 2011, un avion privé gisait au milieu des décombres et des véhicules chariés par le tsunami, à l'extérieur de l'aéroport de Sendai, situé près de la ville de Natori. Le 11 mars 2011, l'aéroport international avait été englouti et détruit en partie par le mur d'eau survenu suite au séisme. D'ailleurs, cette montée des eaux a laissé des traces visibles sur la façade du petit bâtiment blanc, situé à droite du radar, qui donnent une bonne idée de son ampleur. La réparation et le nettoyage ont immédiatement été entrepris ce qui a permis au trafic commercial intérieur de reprendre partiellement, le 13 avril 2011. A l'occasion du premier anniversaire du tsunami, l'aéroport de Sendai avait retrouvé toutes ses capacités, plus de 90 vols y étaient opérés chaque jour.
En bas : Le même lieu photographié le 26 janvier 2021.
KAMAISHI (département d'iwate)
© Toru YAMANAKA/Toshifumi KITAMURA/Kazuhiro NOGI/Roslan RAHMAN/AFP
Ces quatre photos ont été prises scrupuleusement au même endroit à Kamaishi, respectivement le 18 mars 2011, le 16 janvier 2012, le 18 février 2013 et enfin le 27 janvier 2021. Elles illustrent parfaitement le processus de reconstruction qui s'est mis en place tout de suite après le drame de Fukushima.
En haut, à gauche : Prise le 18 mars 2011, ce cliché nous donne à voir la proue d'un cargo panaméen en construction, le Asia Symphony, qui a terminé sa course à quelques mètres seulement d'une maison, après que le navire se soit retrouvé projeté par les immenses et fortes vagues du tsunami hors du port de la ville.
En haut, à droite : Sur la deuxième vignette prise l'année suivante au mois de janvier, le bateau de 4.724 tonnes a disparu. Il a été déplacé en octobre 2011. On peut remarquer que les premiers travaux de nettoyage et de remise en état de la route et des bas-côtés ont été effectués et même que l'électricité a été rétablie.
En bas à gauche : La maison qui était encore debout après le tsunami a disparu sur la troisième photo, datée de février 2013, elle a été détruite car sans doute trop fragile pour être de nouveau habitable sans risque.
En bas à droite : Enfin, sur la dernière photo, faite en janvier 2021, on voit que le processus de reconstruction est complétement achevé. Une nouvelle maisonnette avec un garage a été construite à l'emplacement de l'ancienne. La route et les bas-côtés ainsi que les trottoirs ont été entièrement refaits mais surtout pour remplacer l'ancien mur de protection, les autorités nippone ont érigé un mur anti-tsunami massif, deux fois plus haut que le précédent. Nombreuses au Japon avant 2011, les digues contre les raz-de-marée ont vu leur construction s'accélérer après le tsunami. Un rempart discontinu de 430 km doit être achevé prochainement sur les côtes des trois départements de Fukushima, Iwate et Miyagi.
KESENNUMA (département de miyagi)
© Kazuhiro NOGI/Philippe LOPEZ/AFP
En haut : Le 16 mars 2011, le photographe Kazuhiro Nogi s'est posté sur une colline surplomblant Kesennuma pour prendre cette photo impressionnante qui dévoile l'ampleur du chaos qui règne dans la ville après le tsunami du 11 mars. Très durement touchée par la catastrophe, cette grande ville portuaire a été transformée en un sinistre capharnaüm où les bateaux se trouvaient échoués au milieu de maisons éventrées ou pulvérisées.
En bas : Datée du 27 janvier 2021, cette photo de la reconstruction de la ville dévoile le plan d'urbanisme d'un des quartiers de Kesennuma qui a été mis en œuvre pour relancer l'économie locale et reloger les habitants. Délimités par une voirie récente, tous les espaces sont bien définis et connectés au réseau de distribution d'électricité. On y trouve même une station-service toute neuve. Au centre de l'image se situe une zone réservée aux activités économiques et commerciales qui accueille déjà quelques locaux à vocation de stockage ou de production, sans doute liés à l'industrie de la pêche, secteur phare de la ville avant le tsunami. Il reste néanmoins beaucoup de parcelles encore inoccupées, en attente d'entrepreneurs ou de sociétés. Au second plan de la photo, un espace a été affecté au logement de la population. Pour faire face au relogement de très nombreuses personnes, un habitat collectif constitué de plusieurs immeubles de quatre étages, a été bâti à l'endroit où avant la catastrophe se tenaient des maisons individuelles.
RIKUZENTAKATA (département d'iwate)
© Toru YAMANAKA/Toshifumi KITAMURA/Kazuhiro NOGI/AFP
Ces quatre clichés du «pin miraculé» de Rikuzentakata ont été faits successivement le 29 mars 2011, le 15 janvier 2012 puis le 19 février 2013 et enfin le 27 janvier 2021. Cet arbre est devenu le symbole de la reconstruction de cette ville martyre. Située au sud du département d'Iwate, Rikuzentakata était connue avant la catastrophe de mars 2011, pour ses deux kilomètres de rivage recouverts de près de 70.000 pins. Cette magnifique côte arborée était même classée parmi les 100 plus beaux paysages du Japon.
Malheureusement, le tsunami a emporté tous les pins sauf un. Le seul arbre survivant, un spécimen de 27 m de haut, âgé de 200 ans, a été surnommé le «pin miraculé». Il est devenu le symbole de la résilience du peuple japonais. Mais l'arbre n'a pas pu survivre et il est finalement mort dix-huit mois plus tard à cause de la toxicité du sel d'où son absence sur la photo située en bas à gauche, datée de 2013. Après une cérémonie shintoïste, son tronc et ses branches ont été coupés en plusieurs morceaux qui ont été traités pour stopper la putréfaction, puis évidés avant d'être réassemblés autour d'un support en fibre de carbone. Réinstallé en février 2013, à l'endroit exact où poussait l'arbre survivant, ce pin «restauré» fait désormais partie du mémorial dédié aux victimes de la catastrophe de Rikuzentakata.