C'était il y a deux ans. Le 16 février 2019, des Algériens descendent dans les rues de Kherrata pour protester contre un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Leur rassemblement constitue le point de départ du Hirak («mouvement» en français), série de marches réclamant la mise en place d'un nouveau régime politique.
Mais deux ans plus tard, le fameux «nouveau régime» n'est pas installé, et le Hirak perdure. Des manifestations ont eu lieu aujourd'hui en Algérie pour célébrer la naissance du mouvement. L'occasion de revenir sur les temps forts de cette contestation inédite.
Quelques images de la manifestation commémorant le deuxième anniversaire du début du mouvement populaire à Kherrata
#Algerie #Kherrata #Hirak #mouvementpopulaire pic.twitter.com/V6mmq8aNd8— INTERLIGNES (@inter_lignes) February 16, 2021
La naissance du Hirak
Lors des premières manifestations, l'Algérie a pour président Abdelaziz Bouteflika. Celui-ci est en poste depuis près de 20 ans. Il termine d'ailleurs un quatrième mandat controversé : à cause d'un grave accident vasculaire cérébral (AVC), la santé d'Abdelaziz Bouteflika s'est beaucoup détériorée. Et sa capacité à gouverner, alors qu'il approche des 82 ans, est remise en cause.
Cela n'empêche pas Abdelaziz Bouteflika d'annoncer en février 2019 qu'il brigue un cinquième mandat. C'est la goutte de trop pour les Algériens. Le 16, des habitants de Kherrata manifestent contre cette décision. Le 22, la mobilisation devient nationale, et 800.000 Algériens descendent dans les rues d'Alger. C'est le début du Hirak.
La démission d'Abdelaziz Bouteflika
Au cours des semaines qui suivent, la mobilisation ne faiblit pas. Le Hirak est un mouvement pacifique, décentralisé, et sans véritable chef. Les Algériens manifestent tous les vendredis dans le pays entier.
Le 11 mars, Abdelaziz Bouteflika renonce à briguer un cinquième mandat. Il décide de reporter les élections présidentielles. Mais la colère ne faiblit pas. Lâché même par l'armée, le président décide, le 2 avril, de démissionner.
Les élections présidentielles
Reste à savoir qui succédera à Abdelaziz Bouteflika. Le Hirak souhaite un régime plus démocratique et moins dépendant de l'armée, qui exerce une forte emprise sur les décisions politiques depuis l'indépendance de l'Algérie. Il exige la refonte totale du «système».
Mais le général Ahmed Gaïd Salah - devenu homme fort du pouvoir, même si il ne remplace pas officiellement Abdelaziz Bouteflika - ne l'entend pas de cette oreille. Il fixe les élections présidentielles au 12 décembre et devient de moins en moins tendre avec le Hirak, multipliant les arrestations. Quant aux cinq candidats aux élections, aucun d'entre eux n'a la volonté de «refondre le système». Ils ont tous été, à un moment donné, les collaborateurs du président sortant.
Malgré les protestations du Hirak, les élections se tiennent le 12 décembre. Seuls 40% des Algériens se déplacent jusqu'aux urnes. Est élu Abdelmajid Tebboune, un ancien Premier ministre d'Abdelaziz Bouteflika et favori de l'armée.
La pandémie de coronavirus
Comme prévu, l'élection d'Abdelmajid Tebboune ne rompt pas avec l'ancien système. Le Hirak a remporté quelques victoires : Abdelaziz Bouteflika a démissionné et de hauts dignitaires sont tombés, comme Saïd Bouteflika, le frère du président sortant, aujourd'hui en prison pour corruption. Sauf que rien n'a «fondamentalement» changé.
Le Hirak doit pourtant remettre ses projets à plus tard. La pandémie de Covid-19 empêche tout rassemblement. Le 28 février 2020, les manifestants décident d'une trêve.
Malgré l'arrêt des marches hebdomadaires, le coronavirus donne aux Algériens des raisons supplémentaires de descendre dans la rue. La crise économique s'aggrave, le taux de chômage explose, et les absences à répétition d'Abdelmajid Tebboune n'arrangent rien. Le président est régulièrement hospitalisé pour des problèmes de santé... Ce qui n'est pas sans rappeler le dernier mandat d'Abdelaziz Bouteflika.
La réforme de la Constitution
Le pouvoir n'est pas pour autant plus conciliant avec le Hirak. Interpellations et condamnations judiciaires se succèdent malgré les alertes des ONG. Objectif : empêcher le Hirak de «repartir». Ce 15 février, Brahim Laalami, l'une des figures du mouvement, s'est vu infliger une peine de deux ans de prison et une amende de 200.000 dinars pour «offense au président de la République», «outrage à corps constitué» et «publication de fausses informations».
Le gouvernement avait pourtant assuré vouloir «tendre la main» au Hirak. Le 1er novembre, Abdelmajid Tebboune a organisé un référendum sur la réforme de la Constitution, qui prévoit de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels et de renforcer les pouvoirs du Premier ministre. Le texte a été approuvé. Mais seuls 23,7% des Algériens se sont exprimés. Le Hirak voit dans cette réforme de simples ajustements, et aucun gros changement.