La Russie a annoncé que son vaccin, Spoutnik V, avait atteint une efficacité de 92%, soit plus que celui développé par Pfizer et annoncé cette semaine. Bien décidée à sortir son produit avant le reste du monde, la Russie n’a cessé de multiplier les annonces.
Un nom loin d'être anodin
En appelant son vaccin Spoutnik V (V pour vaccin), la Russie affirme son ambition et illustre le succès historique qu'elle voit dans le développement du procédé. Ce nom renvoie en effet à la victoire politico-scientifique qu'était la mise en orbite du satellite Spoutnik 1, la première du genre, par l'URSS en pleine Guerre Froide.
Le Kremlin espère d'ailleurs se servir de ce vaccin pour bousculer ses relations avec les autres puissances mondiales, n'hésitant pas à leur mettre la pression. «L’approche politisée du vaccin russe par un certain nombre de pays occidentaux met en danger la vie de leurs citoyens, a ainsi fait savoir Kirill Dmitriev, président du fonds souverain russe. Il serait préférable de s'engager dans un dialogue constructif avec nous.»
Une mise en circulation en 2021
La Russie table sur une mise en circulation de son vaccin début 2021, selon le registre national des médicaments du ministère de la Santé, consulté par les agences de presse russes. Spoutnik V est actuellement en phase 3 d’essais cliniques, c’est-à-dire presque au bout du processus, et les tests sont en cours sur près de 40.000 volontaires.
Selon les autorités de santé russes, plus de 50 pays auraient déjà déposé des demandes d’achat du futur vaccin, ce qui représenterait plus 1,2 milliard de doses.
L'élite russe déjà vaccinée
Ce produit a été développé par le Centre de recherches en épidémiologie et microbiologie Nikolaï Gamaleïa, en collaboration avec le ministère de la Défense. Le président russe a indiqué que sa propre fille se l'est fait inoculer. Elle aurait, selon lui, «participé à l'expérience».
Ce dernier point rappelle l'enquête menée par Bloomberg au mois de juillet. D'après les auteurs, certains membres de l'élite russe ont eu accès au vaccin expérimental conçu par l'Institut Galameïa dès le mois d'avril. Il aurait été proposé à des dirigeants de grandes entreprises, des hommes d'affaires mais aussi à des figures politiques, ainsi que leurs familles. Certains scientifiques du laboratoire moscovite avaient indiqué s'être vaccinés eux-mêmes.
Selon Bloomberg, la procédure n'avait rien d'illégal mais aurait été tenue secrète pour éviter un trop grand nombre de volontaires. Ces participants n'auraient pas été inclus dans les études officielles.
Un vaccin à vecteur viral
Spoutnik V est un vaccin à vecteur viral, ce qui signifie qu'il utilise comme support un autre virus, transformé et adapté pour combattre le Covid-19. En l'occurrence, il utilise l'adénovirus, soit un virus du rhume commun, couplé à la protéine Spike qui permet au SARS-CoV-2 de pénétrer dans nos cellules. Le ministre de la Santé russe, Mikhaïl Mourachko, a affirmé qu'une double inoculation «permettait de former une immunité longue», estimant qu'elle pouvait durer «deux ans».
Une efficacité mise en cause
L’annonce rapide de la mise au point d’un vaccin avait semé le doute au sein de la communauté scientifique. L’Organisation mondiale de la Santé avait rappelé à la Russie qu’elle devait passer par des procédés rigoureux avant d’avant d’affirmer que son vaccin était viable.
La Russie a toutefois déposé sa demande de préqualification du Spoutnik V en octobre auprès du programme de l’OMS. L’organisation va donc procéder à des tests de qualité, sécurité et efficacité du vaccin. C’est une sorte d’assurance qui veille à la qualité des médicaments mis sur le marché, et qui établit une liste des produits «préqualifiés», utilisés par tous les organismes internationaux pour l’achat de médicaments en gros.
Selon les autorités russes, les essais cliniques sont probants et aucun incident n’aurait eu lieu chez les volontaires vaccinés. Elles revendiquent même une efficacité de son vaccin à 92%, quelques jours après l’annonce de son concurrent américain Pfizer, qui a déclaré avoir mis au point un vaccin efficace à 90%.
Si les essais cliniques sur des milliers de personnes sont toujours en cours, mais aucune étude n’a pour le moment été publiée. Les créateurs du vaccin assurent cependant que leurs recherches seront publiées prochainement, «dans une des principales revues médicales au monde et évaluées par des pairs».