En direct
A suivre

Chine, UE, Iran... quels pays ont le plus à gagner (ou à perdre) de la victoire de Joe Biden ?

L'Union européenne peut se réjouir de l'élection de Joe Biden, au contraire de la Chine, de la Russie ou de la Corée du Nord. L'Union européenne peut se réjouir de l'élection de Joe Biden, au contraire de la Chine, de la Russie ou de la Corée du Nord. [JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP]

Une élection scrutée à l'international. La victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine suscite l'espoir dans de nombreux pays, qui, après le mandat chaotique de Donald Trump, espèrent une normalisation de leurs relations avec les Etats-Unis. A l'inverse, certains Etats peuvent s'inquiéter de l'arrivée du démocrate à la Maison Blanche, même si un revirement à 180 degrés de la politique étrangère américaine apparaît peu probable.

Chine

Si la Chine peut se réjouir d'une chose, c'est de ne plus devoir batailler avec un président aussi impulsif et imprévisible que Donald Trump. Avec Joe Biden, les relations sino-américaines devraient être plus apaisées. Du moins sur la forme. Car sur le fond, la politique de Joe Biden vis-à-vis de Pékin ne devrait pas être fondamentalement différente de celle de son prédécesseur.

Dans un texte publié dans la revue Foreign Affairs plus tôt dans l'année, l'ancien vice-président de Barack Obama jugeait que les Etats-Unis avaient «besoin d'être durs avec la Chine». Sur le commerce et la technologie, Joe Biden devrait continuer à faire pression sur Pékin pour obtenir des contreparties sous forme de réformes. La Chine craint même que le nouveau président américain soit plus vindicatif que Donald Trump en matière de droits de l'Homme, notamment concernant les Ouïghours et Hong Kong, et que sa méthode, en concertation avec la communauté internationale, soit plus efficace.

Union européenne

Du côté de l'Union européenne, la plupart des dirigeants ne cachent pas non plus leur soulagement après la victoire de Joe Biden. Cibles des attaques commerciales de Donald Trump pendant quatre ans, quasiment au même titre que la Chine, les Vingt-Sept s'attendent désormais à une pacification des relations avec les Etats-Unis et à un retour à la coopération transatlantique. Une alliance américano-européenne pour faire pression sur la Chine en matière commerciale n'est pas à exclure. La volonté affichée de Joe Biden de réintégrer les grands organes et traités internationaux (accord de Paris sur le climat, OMS, accord nucléaire avec l'Iran...) réjouit également les Européens, heureux de retrouver à la Maison Blanche un partisan du multilatéralisme.

Mais la politique américaine vis-à-vis de l'UE ne changera pas du tout au tout. Washington continuera de défendre vigoureusement les intérêts américains, notamment commerciaux, dans une version soft du «America first» de Donald Trump. Si Joe Biden est, contrairement à son prédécesseur, un partisan de l'Otan, il ne faut pas s'attendre à ce que les Etats-Unis retrouvent leur rôle de protecteur de l'Europe. A l'instar de Donald Trump, le nouveau président américain continuera à demander des efforts supplémentaires à l'Europe en matière de sécurité et de défense.

Royaume-Uni

Avec l'élection de Joe Biden, Boris Johnson a perdu un «ami» en la personne de Donald Trump, avec qui il se vantait d'avoir une «relation spéciale». Une mauvaise nouvelle pour le Premier ministre britannique, en pleines négociations avec les Européens sur un accord de libre-échange post-Brexit. Jusque-là, «BoJo» se servait de la promesse de Donald Trump de bâtir un «magnifique» accord commercial américano-britannique après le Brexit pour mettre la pression sur les Européens.

Mais désormais installé à la Maison Blanche Joe Biden va sans doute se montrer déterminé à poser ses conditions. Fier de ses racines irlandaises, le nouveau président américain, anti-Brexit revendiqué, a prévenu en septembre que le Royaume-Uni pourrait faire une croix sur un accord si la paix en Irlande du Nord était menacée par le Brexit. Il réagissait à un projet de loi controversé introduit par Boris Johnson au Parlement, détricotant certains points de l'accord de divorce trouvé avec l'UE l'an dernier. Sur le plan personnel, les relations entre Joe Biden et Boris Johnson ne s'annoncent pas non plus sous les meilleurs auspices, l'entourage du président américain reprochant au Britannique des remarques qualifiées de racistes au sujet de Barack Obama en 2016. Mais les deux hommes pourraient se rapprocher à la faveur de plusieurs dossiers sur lesquels ils sont sur la même longueur d'onde : le changement climatique, le multilatéralisme, la Russie ou encore l'Iran.

Iran

Pour les Iraniens, l'élection de Joe Biden réveille l'espoir d'une amélioration de leur situation économique. Depuis la sortie des Etats-Unis de l'accord international sur le nucléaire iranien, en 2018, décidée par Donald Trump, et le rétablissement des sanctions américaines, l'Iran est plongé dans une violente récession. Sur ce dossier, Joe Biden a dit vouloir «changer de cap», ouvrant la porte à une réintégration des Etats-Unis à l'accord de Vienne, signé en 2015.

Une annonce vue d'un bon oeil par les modérés et réformateurs iraniens, dont le président Hassan Rohani, l'un des architectes de ce texte international auquel ont également adhéré la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine. A l'inverse, les conservateurs iraniens, parmi lesquels le Guide suprême Ali Khamenei, rejettent toute discussion avec les Etats-Unis, à quelques mois d'une élection présidentielle (18 juin) devant laquelle ils s'avancent en favoris.

Russie

«La plus grande menace pour l'Amérique.» Ces propos de Joe Biden, formulés fin octobre sur la chaîne CBS, suffisent à comprendre pourquoi la Russie fait partie des rares puissances à ne pas avoir encore félicité le nouveau président démocrate après sa victoire, alors qu'elle s'était empressée de le faire en 2016 après l'élection de Donald Trump. Bien que les relations entre Moscou et Washington soient restées compliquées durant le mandat du milliardaire républicain, et ce malgré l'admiration de ce dernier pour Vladimir Poutine, le Kremlin s'attend à ce qu'elles se dégradent encore avec Joe Biden à la Maison Blanche.

Le nouveau chef d'Etat de la première puissance mondiale promet en effet d'afficher encore plus de fermeté vis-à-vis de la Russie. «Poutine sait que, si je deviens le président des Etats-Unis, ses jours de tyrannie et de menaces contre nous et les pays d’Europe centrale sont terminés», avait-il lancé en octobre 2019, illustrant l'inimitié personnelle entre les deux hommes. Moscou peut également craindre le rapprochement à venir entre les Etats-Unis et l'Europe, qui pourraient décider d'accroître de concert la pression sur la Russie.

Corée du Nord

Kim Jong-un aurait sans doute préféré quatre ans de plus avec Donald Trump. Après avoir été marquées au départ par des insultes et des menaces, les relations entre les deux dirigeants se sont réchauffées ces dernières années. Au point que Donald Trump rencontre à trois reprises Kim Jong-un entre 2018 et 2019, devenant même le premier président américain à poser le pied en Corée du Nord, en juin 2019. Même si ces pourparlers n'ont permis aucune avancée sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, ils ont permis à la Corée du Nord d'être au centre de l'attention médiatique et à Kim Jong-un d'être reconnu comme une figure qui compte sur la scène internationale.

Finie l'idylle entre Washington et Pyongyang avec Joe Biden. Pendant sa campagne, le démocrate a accusé Donald Trump d'être allé trop loin dans le rapprochement avec le leader nord-coréen, qualifiant ce dernier de «voyou». «C'est comme dire que nous avions une bonne relation avec Hitler avant qu'il n'envahisse l'Europe», a-t-il ajouté. Joe Biden devrait revenir à une diplomatie plus classique avec la Corée du Nord, exigeant des concessions sur la dénucléarisation avant d'imaginer un possible dialogue.

Israël

Pour Israël, l'élection de Joe Biden sonne comme un revers. Pendant quatre ans, Donald Trump a en effet mené une politique ultra-favorable à Israël. Parmi ses principaux faits d'armes, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale du pays et le transfert de l'ambassade américaine dans la ville, la légalisation des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, la reconnaissance de l'annexion du Golan ou encore le parrainage de la normalisation des relations diplomatiques entre Israël et plusieurs pays arabes.

L'an dernier, Donald Trump s'était ainsi qualifié lui-même de «meilleur ami qu'Israël ait jamais eu à la Maison Blanche». Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou se targuait de cette proximité avec le locataire de la Maison Blanche, l'utilisant même comme argument électoral. Malgré tout, Joe Biden ne devait pas renverser la table, Israël étant un vieil allié des Etats-Unis dans la région. Partisan d'une solution classique à deux Etats dans le conflit israélo-palestinien, il devrait concentrer ses efforts à renouer le contact avec les Palestiniens, rompu sous Donald Trump, en restaurant l'aide américaine à l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens ou en rouvrant la mission palestinienne à Washington.

Et les autres...

Parmi les autres pays qui peuvent appéhender l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, on peut citer, entre autres, la Turquie, le Brésil, le Mexique et l'Arabie saoudite.

Dans le cas de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan avait profité de son lien personnel avec Donald Trump pour maintenir à flot les relations entre Washington et Ankara. Mais tout porte à croire qu'il ne pourra pas faire de même avec Joe Biden, qui a qualifié par le passé le président turc d'«autocrate». Au Brésil, la défaite de Donald Trump isole le président Jair Bolsonaro, grand soutien de l'ex-magnat de l'immobilier et dont la politique environnementale devrait être attaquée par l'administration de Joe Biden. Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador, dit «AMLO», qui avait noué une relation jugée «amicale» avec Donald Trump, malgré ses attaques verbales contre les immigrés mexicains, redoute que le lien commercial avec les Etats-Unis se distende sous Joe Biden. Quant à l'Arabie saoudite, le nouveau locataire de la Maison Blanche l'a menacée durant la campagne électorale d'en faire un Etat «paria», promettant de l'inquiéter sur ses présumées violations des droits humains.

A l'inverse, le Venezuela et Cuba pourraient gagner à voir Joe Biden remplacer Donald Trump à la Maison Blanche. C'est en effet le milliardaire républicain qui a imposé de lourdes sanctions à Caracas et au chef d'Etat Nicolas Maduro en 2019, après avoir reconnu Juan Guaido comme président par intérim du pays. A Cuba, l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche ravive l'espoir d'une plus grande collaboration entre les deux pays, après un renforcement de l'embargo américain sous Donald Trump. En tant que vice-président de Barack Obama, le démocrate de 77 ans avait oeuvré fin 2014 au rapprochement historique entre Washington et La Havane et à la politique d'ouverture menée par le gouvernement américain. 

Retrouvez toute l'actualité de la présidentielle américaine ICI

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités