Forces arméniennes séparatistes du Nagorny Karabakh et armée azerbaïdjanaise s'accusaient mutuellement dimanche de bombarder des zones civiles, faisant des victimes, au deuxième jour dimanche d'une trêve humanitaire qui ne s'est toujours pas installée.
L'Azerbaïdjan a fait état de sept civils tués et 33 blessés dans le bombardement nocturne de la deuxième ville du pays, Gandja, à une soixantaine de kilomètres du front et qui avait déjà été visée à plusieurs reprises depuis une semaine.
Le bureau du procureur général a indiqué que c'est un immeuble d'appartements qui a été touché, dénonçant une attaque «délibérée contre la population civile».
Sur place, des sauveteurs portant des casques rouges fouillaient à mains nues dans les décombres d'un immeuble, ont constaté dimanche matin des journalistes de l'AFP, qui ont vu aussi le corps nu d'une victime sorti des gravats. Des femmes en pleurs assistaient à la scène.
Au total, ce sont neuf appartements qui ont été détruits, selon des témoins, par une frappe à 02H00 locales (22H00 GMT). «Tout ce pour quoi j'ai travaillé ma vie entière a été détruit», se désole Zaguit Aliev, un résident des lieux de 68 ans.
Accusations et contre-accusation
«Une pierre m'est tombée sur le visage, j'ai ouvert les yeux et une autre pierre est tombée. Je me suis dit, c'est quoi ça, et je ne pouvais rien voir, tout était dans un nuage de poussière», raconte une voisine, Akifa Baïramova, 64 ans, l'oeil au beurre noir après avoir été frappée par des débris dans son sommeil.
«L'Arménie doit savoir et le monde entier doit savoir : vous ne ferez pas peur aux Azerbaïdjanais avec des armes», proclame-t-elle. Le ministère de la Défense des séparatistes arméniens du Nagorny Karabakh a démenti lui avoir bombardé Gandja : «c'est un mensonge absolu».
Il assure «respecter l'accord de cessez-le-feu humanitaire» négocié à Moscou vendredi et censé être en vigueur depuis samedi 12H00 (08H00 GMT locale). Samedi déjà, les belligérants s'accusaient de violer le cessez-le-feu.
Les séparatistes ont indiqué dimanche que l'armée azerbaïdjanaise avait frappé dans la nuit «Stepanakert, Hadrout, Martouni et d'autres zones peuplées».
La présidence séparatiste a dénoncé «un manque de respect total de l'accord de Moscou» et «une agression contre la population civile».
La capitale de la région du Nagorny Karabakh, Stepanakert, a en effet été la cible de frappes pendant la nuit de samedi à dimanche, selon des journalistes de l'AFP sur place qui ont compté trois à quatre vagues de bombardements, suivies d'une dizaine d'explosions à chaque fois.
La trêve humanitaire négociée en Russie par les ministres arménien et azerbaïdjanaise des Affaires étrangères, sous l'égide de la diplomatie russe, doit permettre l'échange de corps de soldats et de prisonniers.
Le Nagorny Karabakh, un territoire majoritairement peuplé d'Arméniens, a fait sécession de l'Azerbaïdjan après une guerre qui a fait 30.000 morts dans les années 1990. Bakou accuse depuis Erevan d'occuper son territoire, et les accès de violence sont réguliers.
Les combats qui opposent depuis le 27 septembre les troupes du Nagorny Karabakh, soutenues par Erevan, et les forces azerbaïdjanaises sont les plus graves depuis le cessez-le-feu de 1994.
Centaines de morts
Plus de 450 morts ont été comptabilisés, dont une soixantaine de civils, un bilan qui pourrait être en réalité bien plus lourd, l'Azerbaïdjan ne publiant pas de bilan de ses militaires tués et chaque camp revendiquant avoir tué des milliers de soldats adverses.
La réalité sur le terrain reste floue, chaque camp démentant systématiquement les succès revendiqués par l'autre. L'Azerbaïdjan affirme avoir conquis un grand nombre de villages, alors que les forces du Nagorny Karabakh disent repousser l'armée adverse.
La trêve négociée à Moscou l'a été après de multiples appels de la communauté internationale, notamment du médiateur du conflit, le Groupe de Minsk, qui est co-présidé par la Russie, la France et les Etats-Unis.
L'Azerbaïdjan, fort du soutien de la Turquie, a prévenu que ses opérations militaires ne cesseront définitivement qu'en cas de retrait arménien du Nagorny Karabakh.
La crainte est de voir ce conflit s'internationaliser, Ankara encourageant Bakou à l'offensive et Moscou étant lié par un traité militaire à Erevan. La Turquie est en outre accusée d'avoir envoyé des combattants pro-turcs de Syrie se battre aux côtés des Azerbaïdjanais, ce que Bakou nie.