Après avoir été contaminé par le SARS-CoV-2, Donald Trump a reçu un cocktail expérimental d'anticorps qu'il a qualifié de «miraculeux et venant de Dieu», lui permettant de «guérir» du Covid-19. Mais le sujet a de façon inattendue mis en lumière les ambiguïtés des mouvements pro-vie et la propre administration du président américain sur le dossier de l'avortement.
L'un des laboratoires à l'origine de ce traitement a en effet reconnu que son développement reposait en partie sur des cellules humaines dérivées d'un tissu foetal avorté.
Concrètement, Donald Trump a été soigné par des anticorps de synthèse, développés notamment par la société de biotechnologie américaine Regeneron. Un traitement totalement expérimental et qui jusqu'à présent a produit des résultats prometteurs dans des essais cliniques préliminaires sur 275 malades.
Ces anticorps fabriqués en laboratoire ont ensuite été transfusés en une dose aux patients concernés et sont destinés à remplacer le système immunitaire pour neutraliser au plus vite le coronavirus.
Un foetus avorté aux Pays-Bas dans les années 1970
Comme d'autres biotechs à travers le monde, Regeneron a testé ses anticorps en utilisant des cellules, appelées HEK 293T, dérivées d'un foetus avorté aux Pays-Bas dans les années 1970.
President Trump's antibody treatment was tested using cells originally collected from an abortion, according to Regeneron Pharmaceuticals, the company that developed the experimental drug. https://t.co/NTnZ8Eh8zg
— MIT Technology Review (@techreview) October 8, 2020
Dans les faits, cela ne veut pas pour autant dire que ces cellules proviennent «directement» de ce foetus. En près de cinquante ans, les cellules HEK 293T ont en effet été «immortalisées», ce qui signifie qu’elles continuent à se diviser en laboratoire, un peu comme le ferait un cancer, et, au fil du temps, elles ont reçu d’innombrables changements et ajouts génétiques en fonction des pathologies visées ou à des fins de recherches.
Ces cellules «immortelles» n'ont donc rien d'exceptionnel en soi puisqu'elles sont communément utilisées dans l'industrie pharmaceutique, mais dans le cas de Donald Trump - et plus encore dans la perspective américaine - le sujet est vite revenu sur le devant de la scène en raison de l'opposition traditionnelle des conservateurs américains au recours à des cellules issues d'avortement, fussent-elles dérivées et lointaines ou encore développées suivant des protocoles sévères.
Trump a une position «hypocrite»
A vingt-huit jours du scrutin, le président républicain, tout juste sorti de l'hôpital après sa contamination par le virus du Covid-19, est, mardi 6 octobre, d'ailleurs reparti à la charge sur le dossier de l'avortement en consacrant deux tweets matinaux aux interruptions volontaires de grossesse (IVG), comme pour rassurer sa base.
«Biden et les démocrates viennent de dire clairement qu'ils soutiennent entièrement les AVORTEMENTS (très) TARDIFS, jusqu'à la naissance, et au-delà, ce qui serait une exécution», a-t-il assuré, en appelant ses partisans à «VOTER» le 3 novembre.
La veille, le candidat démocrate avait rappelé que, s'il était élu, il chercherait à inscrire dans la loi le droit des femmes à avorter, une promesse inscrite dans son programme de campagne.
Les tweets de Donald Trump sont vite apparus comme un soutien à peine voilé aux mouvements pro-vie, mais s'ajoutant à ses éloges répétés envers le cocktail d'anticorps qu'il a reçu, cela n'a pas manqué de faire grincer des dents du côté de la communauté scientifique.
D'après plusieurs chercheurs, Donald Trump a en effet freiné la recherche sur les tissus foetaux à la demande des mouvements conservateurs, qui forment le noyau dur de sa base politique.
«Tout cela est d'une hypocrisie flagrante», a ainsi déclaré Lawrence Goldstein, cité par le quotidien américain The Washington Post. Ce scientifique, membre de la faculté de l'Université de Californie à San Diego, connaît bien le sujet puisqu'il a utilisé des tissus fœtaux dans ses recherches.
«De nombreux opposants [à la recherche sur les tissus fœtaux] n'ont pas hésité à faire volte-face ou fermer les yeux», à partir du moment où cette recherche et les thérapies qui en sont dérivées ont montré une efficacité contre le coronavirus, a-t-il résumé.