Arméniens et Azerbaïdjanais restaient sourds jeudi à de nouveaux appels à la trêve, continuant d'échanger des tirs et affirmant s'infliger des dégâts humains et matériels considérables au Nagorny Karabakh, territoire azerbaïdjanais séparatiste soutenu par Erevan.
A Stepanakert, capitale de cette république autoproclamée, la situation était calme dans la matinée malgré une importante présence policière. Deux explosions ont retenti dans la nuit, alors que la ville était plongée dans le noir toute la nuit pour se rendre aussi invisible que possible aux drones azerbaïdjanais ayant frappé la ville dimanche.
Au cinquième jour des affrontements, aucun camp ne semblait avoir gagné un avantage décisif sur l'autre mais «les combats se sont intensifiés dans la matinée», a assuré le porte-parole du ministère arménien de la Défense, Artstroun Hovhannissian, affirmant que «l'ennemi a subi des pertes énormes».
Les forces azerbaïdjanaises, qui disent depuis plusieurs jours avoir pris des positions arméniennes tenues depuis plus de 30 ans, ont émis des revendications similaires et assuré que les combattants séparatistes ont dû «se retirer de positions qu'ils tenaient sur toute la ligne de front».
Le Nagorny Karabakh, en majorité peuplé d'Arméniens, a fait sécession de l'Azerbaïdjan, entraînant une guerre au début des années 1990 qui avait fait 30.000 morts. Le front est quasi-gelé depuis malgré des heurts réguliers, notamment en 2016.
Selon le porte-parole arménien, environ 350 soldats azerbaïdjanais ont été tués, 15 véhicules blindés détruits et trois hélicoptères abattus, dont un se serait écrasé en Iran voisin.
Le ministère de la Défense azerbaïdjanais a démenti cette dernière affirmation, évoquant un «mensonge». Il avait plus tôt indiqué «que toute la nuit, des tirs d'artillerie dévastateurs ont visé les forces arméniennes».
L'armée du Karabakh affirme elle avoir empêché l'Azerbaïdjan «de regrouper ses troupes».
Depuis le début des hostilités dimanche, seuls des bilans partiels sont communiqués, faisant état au total de 128 morts. Du côté arménien, 104 soldats et 8 civils ont été annoncés tués. Bakou se refuse de son côté à communiquer des bilans militaires mais a annoncé la mort de 16 civils.
Les deux camps affirment avoir infligé à l'autre des centaines de pertes humaines. Et chacun diffuse des vidéos à cet effet, comme celle mercredi d'un drone azerbaïdjanais frappant un camion de transport de troupes chargeant des soldats, ou celles arméniennes montrant de nombreux corps allongés en rang en uniforme adverse.
Poutine et Macron appellent à une trêve
Les appels à une trêve se sont multipliés jusque tard dans la nuit de mercredi à jeudi, à l'instar des présidents russe Vladimir Poutine et français Emmanuel Macron, deux des trois co-présidents avec les Etats-Unis du Groupe de Minsk de l'OSCE qui est le médiateur au Nagorny Karabakh depuis les années 1990.
Les deux dirigeants réclament de «cesser complètement le feu et, dès que possible, faire baisser les tensions», selon un communiqué du Kremlin.
Plus tôt, Moscou avait proposé d'accueillir «une rencontre des chefs des diplomaties de l'Azerbaïdjan, de l'Arménie et de la Russie» mais le président azerbaïdjanais Ilham Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian ont réaffirmé leur détermination à combattre.
Jeudi, ce dernier a assuré sur Facebook que le Nagorny Karabakh combattait «le terrorisme international». «La communauté internationale a maintenant clairement affirmé que le tandem turco-azerbaïdjanais mène une guerre contre l'Arménie et le Karabakh avec l'aide de mercenaires-terroristes», a-t-il ajouté.
La Russie, puissance régionale qui entretient des relations cordiales avec les deux républiques ex-soviétiques, s'est montrée inquiète du rôle de la Turquie, concurrent géopolitique mais avec qui elle a des relations pragmatiques.
Moscou a ainsi reproché Ankara de «jeter de l'huile sur le feu» en encourageant Bakou dans son offensive.
Et mercredi soir, sans pointer directement du doigt la Turquie, la diplomatie russe s'est dite «très préoccupée» du déploiement dans le conflit du Karabakh de «terroristes et de mercenaires étrangers» venant de Syrie et de Libye, deux terrains où Ankara est actif militairement avec ses alliés locaux.
L'Azerbaïdjan et la Turquie ont démenti, retournant l'accusation contre Erevan.
L'ingérence militaire d'Ankara n'est pas établie, seule l'Arménie l'affirmant jusqu'ici, accusant la Turquie d'avoir déployé ses avions F-16, de fournir des pilotes de drones et des spécialistes militaires.
Une intervention militaire directe turque constituerait un tournant majeur et une internationalisation du conflit, un éventuel scénario catastrophe, dans une région où de nombreuses puissances sont en concurrence.