La normalisation totale des relations entre Israël et deux États du Golfe est un réel bouleversement au Moyen-Orient et un succès pour Trump, selon l'éditorialiste Harold Hyman.
Lors de la campagne électorale de 2016 déjà, Donald Trump, tout comme la plupart des postulants républicains à l'investiture, avait promis de pulvériser trois dogmes : les Accords de Paris sur le Climat de 2015, l'Accord de Paris signé avec l'Iran la même année, et les Accords d'Oslo entre Israël et les Palestiniens en 1995. L’administration Trump, depuis son installation, a résisté aux supplications d'Emmanuel Macron de ne pas suivre cette voie. L'occupant de la Maison-Blanche n'a rien voulu savoir, et a inversé tout cela. Il s'est fait la main en bousculant l'OTAN, puis il a déchiré les Accords de Paris sur le climat. Il était alors prêt à passer aux dossiers moyen-orientaux. Il a poursuivi sur sa lancée en déménageant l'ambassade américaine à Jerusalem en 2018, et coupé l'aide américaine à l'Autorité palestinienne. À la surprise générale, la réaction palestinienne, et arabe en général, fut verbale, sans plus : les habituels drapeaux brûlés à Amman, Ramallah, Gaza, et parfois ailleurs. Finis les boycotts arabes de ceci ou de cela.
Pendant ce temps, le nouveau dirigeant du Royaume d'Arabie Saoudite, le prince héritier Mohammad Ben Salman (MBS) multipliait les signes d'ouverture envers le monde extérieur, se promenant dans les rues de New York en costume occidental et mangeant un hot dog avec le maire de l'époque, Michael Bloomberg. Un rapprochement était en bonne voie, et la cible n'était pas les États-Unis, déjà amis, mais Israël.
L'isolement de la République islamique d'Iran dans le monde musulman -voulue par Trump, Mike Pompeo le secrétaire d'État, Rudolph Giuliani le conseiller juridique personnel du président et les républicains au Congrès- a porté ses fruits. Les monarchies du Golfe sont ravies. Le grand pari de Téhéran d'installer des régimes amis piétine, et recule. Certes Bachar al-Assad et le Hezbollah restent acquis au régime iranien, mais le premier n'y voit qu'une alliance stratégique sans volet culturel et le second n'est pas un État. Certes Moscou et Ankara s'entendent raisonnablement bien avec Téhéran, mais c'est principalement par souci de ne pas s'affronter bêtement en Syrie où tous les trois ont déployé des corps expéditionnaires. Pourtant, Moscou et Ankara s'entendent aussi avec Washington, laissant pour l'occasion Téhéran sur la touche. Bref, aucune puissance étrangère ne va venir en aide à la République islamique d'Iran et contre les États-Unis.
le Nobel de la paix envisageable ?
À Washington, on l'a bien compris. Lorsqu'ils en eurent l'occasion, les militaires américains ont abattu, sur le sol irakien, le célèbre commandant des forces expéditionnaires des Gardiens de la Révolution islamique en Iran, Qassem Soleïmani, et son allié et émule irakien, Abou Mehdi al-Mohandis. En réaction, on s'attendait à une vengeance terrible, or les foules islamiques ont peu bougé hors Irak et Iran et les représailles tardent à venir, et c'est tant mieux. Trump a définitivement brouillé la République islamique d'Iran et la vaste majorité des États arabes.
Aujourd'hui, le discret travail du gendre présidentiel, Jared Kushner, semble avoir fonctionné. Il est parvenu à tisser des relations entre l'État d'Israël et plusieurs monarchies golfiques, et plus discrètement le Royaume du Maroc et la République du Soudan. Le texte du Traité entre Israël et les Émirats est remarquablement historique: «reconnaissant que les peuples arabe et juif sont les descendants d'un ancêtre commun, Abraham... S'engageant à obtenir une solution juste, globale, réaliste et durable au conflit israélo-palestinien...» Le traité, dit «Accords d'Abraham», dresse une liste des domaines de coopération, qui arrivent en complément à la reconnaissance mutuelle: tourisme, éducation, médecine, assainissement de l'eau, spatial, etc. Du concret.
Encore plus étonnant: l'apparente concession arrachée à Benjamin Netanyahu par la partie émiratie. Le Ministre des Affaires étrangères émirien, au microphone devant Trump et Netanyahou, a remercié explicitement Netanyahou pour sa renonciation à l'annexion de pans entiers de la Cisjordanie. Sheikh Abdullah bin Zayed al-Nahyan a été très clair sur ce point! Les autres signatures n'ont pas bronché, mais ils n'ont pas repris ces paroles non plus, et cet aspect n'est pas dans le traité. N'importe: les Émirats ont fait quelque chose pour la paix au Moyen-Orient, et les États-Unis les ont soutenu par omission.
Enfin, si la manœuvre diplomatique de Trump fonctionne et de nouveaux États arabes reconnaissent Israël, alors la donne au Moyen-Orient aura véritablement changé. Une Pax Americana d'un nouveau genre sera née, dans laquelle une paix entre États pragmatiques, et non plus entre peuples, se fera avec ou sans les Palestiniens. Est-ce que cela peut valoir à Trump le prix Nobel de la Paix? L'idée n'est plus absurde.